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Chaque jour est une aventure...
- Queque part, dans l'océan -
« Nage, nage, ne te retourne pas… ondule aussi fort que tu peux, va aussi vite que possible… transperce l’eau avec la puissance de ta nageoire, ne lâche pas… ça va bientôt se terminer et tu vas vivre… nage… nage… »
- Spoiler:
Pardon.
Deux jours et une nuit que, du haut de ses dix ans, notre fille de la mer tentait d’échapper à une bande d’abominables memphrés. Ces terreurs de l’océan qu’Ulheen avait en horreur comme chaque sirène et triton, voir chaque animal dans tout l’océan. En effet, ces terrifiantes créatures à l’aspect répulsif à l’apparence plus monstrueuse qu’humanoïde étaient de nature voraces et appréciaient plus particulièrement le goût des êtres mi-hommes, mi-poissons. Nul doute que la chair encore tendre de la jeune rouquine aurait fait un met de choix si cette dernière ne passait pas son temps à tenter de fuir pour sa vie. Tantôt à nager à en perdre l’oxygène, tantôt à se cacher dans un trou caché par les algues ou au milieu des rochers, des grottes et repartir en fuite quelques instants après, débusquée à cause de l’odorat performant des immondes créatures.
Ulheen, amèrement et fatalement, regrettait. Curieuse de nature, tout a commencé à cause de cette mauvaise habitude de fouiner dans les grottes, à la recherche de trésors. Elle savait qu’elle n’avait pas le droit, elle savait que si elle continuait à désobéir, elle et sa mère seraient contraints de déménager vers la ville immergée, là où, près du port, les monstres se faisaient plus rares. Pourtant, elle n’y arrivait pas. C’était une torture de devoir rester sagement à Atlantys et ses abords. Ce royaume, Ulheen l’avait déjà parcouru de long en large. Par-delà la cité sous-marine, il y avait nombre d’objets cachés, qui n’attendaient que notre sirène pour être découverts. Certes, il y en avait des choses à voir dans la cité submergée, des merveilles inconnues aux créatures terrestres comme des lieux qui n’existaient pas à Akhanta, cette ville où elle est née et ville qu’elle risquerait bientôt de revoir à force de se mettre en danger. Mais pour Ulheen, vivre à Atlantys et être entourée de kilomètres de zones à découvrir, explorer librement, en nageant, tout simplement par ci, par là… c’était comme un rêve. Alors, rester jouer avec les sirènes qui passaient leur temps à se pouponner, non. Plus tard la raffinerie, pour la petite sirène, c’était l’âge de l’aventure, de la découverte, des explorations de navires au fonds des eaux et surtout… des mauvaises situations à ne pas se fourrer le nez qui ne manquaient pas depuis qu’Ulheen avait accès au grand océan et qu’elle passait 80% de son temps, hors du royaume, au grand désespoir de son unique parent.
Généralement pourtant, ça allait. Elle battait des nageoires vers l’inconnu tôt le matin et le soir, elle revenait à la maison, rarement bredouille avec ses trouvailles qui parfois, payaient les repas et dont elle était bien fière devant les autres enfants siréniens. Eux par contre, l’avaient toujours vu comme une curiosité mais ça, ça n’importait pas notre petite rousse tant qu’elle avait l’aventure.
Cependant cette fois-ci, elle n’était pas revenue en fin de journée. Non, elle n’était pas retournée dans son lit douillé, elle n’avait pas eu droit à l’étreinte de sa jeune mère et aux caresse de Shelly, son fimoon de compagnie. Au lieu de ça, elle combattait la mort à grand coup de nageoire dorsale. Ces pensées qui revenaient fréquemment depuis deux jours lui arrachaient quelques larmes, de temps à autre. Des larmes qui se couplaient à celles de la peur de finir dévorer par ces quatre affreuses abominations.
Tandis qu’elle nageait encore et encore droit devant, elle savait. Elle savait qu’elle s’éloignait de plus en plus de son royaume. La température de l’eau changeait, les décors et la faune aussi. Son itinéraire lui était inconnu, le temps et la sureté manquant à l’appel, il lui était impossible de se poser, de réfléchir assez longtemps pour retrouver son chemin. Alors elle nageait, encore et toujours. Peut-être atterrirait-elle à Akhanta, qui lui était familier ? Ou bien à Nueva, qu’elle ne connaissait pas ? Ou à Fhaedren, le royaume aux lourdes histoires.
C’est en ruisselant de nouvelles larmes durant sa fuite qu’elle l’aperçu… un rivage ! En face d’elle, une pente jonchée de mousse d’un joli vert, l’accueillait. « ENFIN » pensait ’elle, sa nageoire bleuie par l’effort, elle atteignait sa toute dernière limite.
Sous l’eau, il était d’accord que la nage des memphrés était redoutable. Or, sur terre, ils ne devenaient que de la simple poiscaille alors que notre sirène, elle, après un bon repos mérité, partagerait les attributs des femmes terrestres afin de se mouvoir sur terre, loin des monstres marins, obstinées par sa jeune chair. Il lui était donc vital de quitter l’eau et rejoindre les bords du continent qui lui accorderait le droit de vivre quelques années de plus. Utilisant toutes les forces qu’il lui restait, elle s’élança, agrippa la mousse et sortie la tête la première hors de l’eau. Affaiblie par cette longue course, il lui était impossible de changer sa queue en jambes. C’est pourquoi, aidée de sa magie raciale qu’elle maîtrisait à peine, elle tenta de repousser les memphrés en créant des lames d’eau, à l’aide des cristaux accrochés à sa ceinture. Ce fût une réussite inattendue et espérée. Allongée sur la rive, incapable d’avancer plus loin, les monstres ne se pointaient plus… jusqu’au moment où, décidée à s’éloigner de l’eau, la sirène s’agrippa à la mousse afin rejoindre ce qui s’apparentait être une forêt. D’un geste puissant et vif, une main translucide, gluante et pourvue de griffes, lui empoigna la nageoire. La sirène hurla de douleur. L’état précaire de son membre lourdement usé de toute cette distance additionnée à la sensation d’avoir des couteaux lui traversant les écailles, la pauvre enfant tremblait, pleurait à chaudes larmes. De toutes ses forces, elle agrippait branches, mousse, terre… tout ce qui pouvait lui rendre la vie sauve. Elle ne voulait pas mourir, elle était si proche, son calvaire allait bientôt se terminer… De sa voix affaiblie et de sa gorge asséchée par la peur et la douleur, elle implora en dernier recours, cette nouvelle terre.
« AIDEZ-MOI, JE VOUS EN PRIE, AU SECOURS ! »