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Lost Kingdom  :: Nueva :: Izrheron

Nouveaux horizons [Lúthien]

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Nouveaux horizons



Syrinx de Fensalir
NAISSANCE : 313
MORT : 389
ÂGE  : 76 ans
RACE : dryade


Automne 353

« La tête de métal vient frapper avec force la bûche, fendant l'écorce et le bois avec une étonnante facilité malgré l'allure frêle des bras qui manient la hache. Le bruit, répétitif et monotone, résonne dans l'atmosphère un peu fraîche du début de la saison froide, un halo brumeux cristallisant chaque effort dans l'air sec de la fin d'après-midi. Approchant l'horizon, l'astre virait peu à peu dans ces teintes d'écarlate et d'or, inondant indistinctement le ciel et la terre comme si l'on eut percé le flanc de ce géant solaire. Quelques oiseaux chantaient encore, ça et là, émaillant la solitude sereine de ce moment de quelques notes lointaines. Là, la silhouette menue d'une dryade affairée à débiter avec application le tronc qui alimentera l'âtre de ce soir se découpe dans la lumière. Absorbée dans ses pensées, elle a déjà bien assez de bois mais le travail de la découpe est comme une activité qui l'aide à se concentrer, un quelque chose de rassurant qui la fait se retrouver seule avec elle-même.

Elle s'arrête un instant pour souffler, posant la tête de la hache contre le sol et prenant appui contre le manche de bois rugueux. Avisant le travail achevé, elle jauge que ce sera suffisant et s'accorde un moment de repos. D'un revers machinal de la main elle efface le fin film de transpiration qui s'était formé à son front, avant de défaire l'attache qui gardait noués ces cheveux plein du feu du soleil couchant. Le dos quelque peu endolori par l'effort, elle profite de cet instant pour admirer le paysage. Le lieu est calme et paisible, à l'orée de cette forêt qu'elle apprécie tant. La nature y est vivace et omniprésente et elle aurait dû lui apporter un sentiment de réconfort tranquille. Pourtant, la sensation diffuse d'un trouble conséquent apportait l'once d'un affreux doute, d'une méfiance irrationnelle là où n'aurait dû se trouver qu'une familiarité rassurante. Une incertitude qui court dans les pensées sans qu'on ne puisse s'en débarrasser, qui revient malgré tout dès que l'esprit est oisif et ne s'occupe plus. Quand il faut parcourir le long trajet qui va jusqu'au village, quand il faut traire Angélique ou avant de s'endormir.

L'inquiétude, comme un reflet vague et distant, qui perce parfois ce regard qui aimerait pourtant s'acharner sur une réalité pragmatique et monotone. Mais ce n'était ni un rêve ni un cauchemar et elle érode parfois la volonté avec un quelque chose de pernicieux. Même si tout semble normal aujourd'hui, Syrinx sait que quelque chose ne va pas. Que quelque chose a dérapé, dans un enchaînement brutal et complètement incontrôlé. Elle le sent, ce mystère, profondément enterré quelque part et qui ne s'est laissé apercevoir que cette unique fois. Même si tout semble normal aujourd'hui, des traces sont encore là, subtiles mais bien présentes, comme un rappel en dur de ce qu'il s'est passé. Le manche de la hache présente encore une coloration légèrement plus sombre là où elle a été imbibée de sang. Car le bois n'oublie pas, il n'oublie jamais, et il se nourrit de ce qu'on lui offre, pour sceller dans ses cernes le passage du temps éternel. Elle a eu beau frotter et gratter, elle ne disparaîtra jamais totalement.

Alors, pourquoi un tel silence, pourquoi une telle dureté ? Le ciel qui tremble et l'air qui s'embrase, le combat à mort et la folie dans les yeux. Tout ceci elle ne le comprenait pas, et si elle était prête à accepter beaucoup de choses, elle gardait pourtant les images gravées dans sa mémoire de ce moment terrible où elle crut la fin arrivée. La fin pour sa mère, la fin pour Lúthien. La fin pour la seule famille qu'elle n'avait jamais eu. Et, dans le fond, c'était ça qui provoquait l'angoisse d'un frisson primordial. Qu'y avait-il de si puissamment caché que l'apocalypse daigne se manifester le jour où ça remonte ? Elle avait haït l'homme qui était venu pour ce qu'il avait infligé à sa mère. Haït comme peu de fois elle avait souhaité la destruction de quelque chose. Mais elle avait aussi détesté sa mère d'avoir accueillit cette même personne, ce monstre de froideur et de sévérité. Il lui faisait peur, et elle avait eu peur qu'il ne termine leurs vies à toutes les deux. L'hospitalité de Lúthien l'avait dépassée. Quand bien même il avait tenté de réparer ses fautes en l'aidant à prendre soin d'elle, c'était lui qui les avait provoquées. Sa présence dans la maison avait été, à ses yeux, un viol de l'intimité.

Expirant profondément la frustration qui naissait de ses pensées, elle ne savait toujours pas comment réagir. Elle ramassa le bois qui traînait par terre, vaguement concentrée, avant de finalement le rentrer, les bras chargés, dans la bâtisse au toît de chaume qui représentant presque l'entièreté de l'univers qu'elle connaissait. À l'intérieur, l'odeur familière d'une marmite sur le feu éveilla ses sens, peinant pourtant à dissiper un certain malaise présent comme en bruit de fond. Depuis déjà presque une dizaine de jours Syrinx ne parvenait à se défaire de cette sensation qu'elle éprouvait, mélange de raideur froide, d'inquiétude et de reproches envers Lúthien. Le soulagement que la dryade avait éprouvé après le départ de l'homme avait été très grand, mais pourtant elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver ce fond de rancœur se mêlant à son incompréhension. Dans un silence qui se faisait quelque peu pesant depuis le temps, elle déposa le bois dans la niche prévue à cet effet avant de jeter un coup d’œil dans la pièce.

_ C'est fait. J'ai aussi rentré Angélique. »

Une banalité sans commune mesure, comme pour mieux camoufler les fissures d'une secousse qui s'en était allée.


Les vents d'ouest avaient ramenés avec eux bien trop de choses, précocement. L'automne avait fait rougir les arbres qui se pavanent jouvencelles prêtes à céder aux charmes des appels bestiaux de la nature. Puis les arbres avaient laisser leurs jupons colorés au sol, dévoilant le galbe de leur corps décharnés et déracinés. Le vent d'ouest avait amener le malheur des récoltes et une pestilence qui portait un nom et avait un visage. Tu ne pouvais pas dire que ton frère était cette pestilence, tu l’associais à quelque chose d'autre, l'église des Seraphs, l'ordre des astres. Maladie purulente, plus mortelle qu'une suette, plus frappante qu'une petite petite vérole. Les jours avaient passés, trop lentement depuis le viol de ton intimité, endroit où les pas feutrés de la vie résonné depuis une petite quarantaine d'années. Là où la suie d'un âtre chaud avait été remplacé par le sang poisseux d'un monstre, qui sommeil tapi dans le noir retenu par des chaînes d'argents. Ses perles à la couleur du ciel d'hiver brumeux et prêt à relâcher leurs neiges, observe ton derme, cette main qui aurait du être infirme à utiliser quelconque objet, doigts qui auraient du être au pire absent. Où seule la douleur fantôme est vivace parfois lorsque la nuit est sombre et pleine de terreur. Tu passes tes doigts le long de ta paume, ongle court cherchant à voir une boursouflure. Il n'y a rien, hormis les crevasses et cales habituelles du travail. Tu les frottes l'une contre l'autre, rêches et desséchées. Il y a seulement des questions et des pensées qui font taire la chaumière outre que mesure.

Tempête repartie vers l’œil du cyclone, il avait suivit le chemin de brique jaune qui le ramène chez lui, chez toi auparavant. Une ville que tu avais apprise à aimer comme ton frère, une ville que tu as abandonnée et qui t'a répondu pour tes actes, portant jour après jour ce boomerang qui orne ta joue et une plus personnelle. De ses paroles, tu n'as pas voulu le suivre, ni l'aider, du moins pas maintenant. Il y a d'autre chose qui doivent venir avant, des choses qui doivent être faite, le destin ne peut être humilié, tu t'y tiens. Tes pupilles s'assombrissent devant les flammes qui dansent dans l'âtre, tu as chaud aussi prêt du feu affamé assise sur ton tabouret, le dos qui s'arrondit par le poids des actions. La fraîcheur se sentir dans la pièce, courant d'air provoqué par l'ouverture de la porte d'entrée, tu ne te retourne pas. Tes yeux suis du regard le brasier qui se couche pour finalement mieux ce relever. Sa voix sec se brise dans tes tympans, recouvrant la douceur du timbre de sa voix. Tes cordes vocales sont à la recherches de mots, qui ne trouvent naissance que dans ton esprit stérile. Seul ce bruit ressemblant à un ronronnement se fait entendre. « Ça suffit Syrinx. » Tes yeux roules et un soupire se entendre de tes lippes. Fatiguée de devoir supporter son comportement depuis aussi longtemps. Cette défiance et froideur qui n'a que trop durée.

Tes longues jambes avaient fini par se dresser te mettant de toute ta hauteur. La main sur le rebord de l'âtre, tu remues la marmite, laissant le contenu du repas diffuser ses odeurs agréables. Bien plus plus douce que la tension âpre de la pièce à vivre. Tes dents se creusent le long de ta joue, cherchant un chemin vers la délivrance. Tes paupières sont rapidement closes, un tintement se fait entendre, la louche contre le rebord de la marmite en cuivre. « Dit ce que tu as me dire ou bien tait toi. » L’ustensile de cuisine est posé au dessus de l'âtre brûlant, et le couvercle est remit à sa place, pour laisser mijoter la viande encore quelque temps. « Mais je veux que tu arrêtes ton petit jeu. C'est fatiguant. » Ce silence, tinté seulement de piques et répliques désinvoltes, acerbes et amers, froides à souhait. Comme si ta fille ne t'étais qu'une étrangère. Échangeant le minimum des banalités pour vivre au quotidien, se refermant sur sois-même, créant un gouffre où toutes les échelles du monde ne pouvaient relier les deux rives.

Tes mains s'essuient sur le tablier qui couvre ta robe broder aux fils rouges et bleus par tes soins, oiseaux et fleurs de printemps, amenant un peu de soleil dans la journée lorsque les nuages recouvrent l'astre solaire. Tu te disais que si tu faisais volte face maintenant, tu verrais ses cheveux roux à moitié en pagaille, mèches de bébés hérissées le long de se son front et de ses tempes. Sa mâchoire prenant une forme carrée, tant la tension qu'elle y inflige arrive à changer la forme de son visage. Et ses yeux capables de te lancer les éclairs de Zeus et la foudre de Thor dans l'espoir de fendre ta chair pour faire taire tes mots. Tu avais aussi ta fierté, parfois mal placée, mais tu ne pouvais pas la renier. « Alors ? Je t'écoute. » Lui demandais-tu en te retournant, te demandant quel spectacle Syrinx allait t'offrir. Est-ce que tu allais voir ce que tu avais imaginée, quelque chose y approchant ou au contraire allait-elle te surprendre d'une quelconque manière. A force tu ne finissais pas de perdre l'espoir de voir un jour cet abcès purulent éclater.





Syrinx de Fensalir
NAISSANCE : 313
MORT : 389
ÂGE  : 76 ans
RACE : dryade


Automne 353

« Malgré ces quatre décennies passées à grandir, apprendre et mûrir, il y avait parfois ces quelques moments où les reliefs d'un caractère un peu entêté prenaient le pas sur la sagesse, fierté farouche bien qu'éphémère, à l'image d'une nature tantôt tranquille tantôt sauvageonne. Toutefois, il ne s'agissait pas là d'un simple élan ombrageux ou revêche, non, c'était bien plus profond et différent, bien plus incertain aussi. L'incompréhension aigüe d'un quelque chose qui brise le socle de ce qui fait la normalité quotidienne, des certitudes qui construisent la vie.

Les paroles de Lúthien brisent ce silence pernicieux qui s'est installé depuis plusieurs jours, malaise ayant succédé au soulagement, trouble qui évolue, invisible mais pourtant palpable, comme une pesanteur lourde qui s'accroche aux gestes pour les ralentir. Elle avait raison. Ceci n'avait que trop duré et, dans le fond, Syrinx en avait tout à fait conscience, mais le silence était parfois plus facile à suivre qu'à rompre, d'autant plus qu'elle ne savait par où commencer. Cette colère adressée à sa mère était injuste, quelque part, pour celle qui avait été victime de tout cela. Mais le doute était bien présent, de se demander ce qu'était cette situation, qui était cet homme et l'impossibilité de trouver une explication rationnelle qui explique ce dont elle avait été témoin. Elle s'était interrogée, bien sûr, essayant d'imaginer pourquoi et comment. Sa mère et cet homme se connaissaient, il n'y avait pas de doutes à avoir là-dessus, mais la façon dont ils se parlaient et se côtoyaient était des plus ambigüe.

Ce qu'elle avait vu remettait en cause beaucoup de choses, du moins en était-elle persuadée. Sa mère savait-elle utiliser la magie ? Le ciel couvert d'augures apocalyptiques n'avait semblé que répondre à la montée de la tension dramatique, sans compter les flammes, l'inconscience qu'elle avait subie et cette guérison miraculeuse. Mais maintenant que Lúthien lui demandait de poser des mots sur toute ces choses qu'elle ressentait, elle ne s'en sentait que plus démunie, comme si toutes les réflexions qu'elle avait faites jusque présent s'étiolaient pour n'avoir plus de sens. Dans un premier temps, ce ne fut que le silence qui lui répondit, mais Syrinx finit par reporter son regard - enfin - dans celui de sa mère pour tenter d'y lire quelque chose qui lui fournisse des réponses. Finalement, elle s'exprima d'un ton étonnamment sincère et dénué de toute velléité.

_ Maman... Tu as failli mourir. »

Un peu plus faible, le dernier mot n'en était que plus terrible dans son esprit. Le formuler à voix haute lui faisait presque mal tant la chose ne lui avait jamais effleuré l'esprit, et encore moins de façon si concrète.

_ Cet homme est venu et il a essayé de te tuer. De te tuer. Comment peux-tu faire comme s'il ne s'était rien passé ? Comment lui a pu faire comme s'il ne s'était rien passé ? »

Pour Syrinx, cet homme était une façade sévère et inhumaine, un monstre au manque d'empathie cruel. Venir assassiner une paisible fermière chez elle, qu'y avait-il de simplement humain dans l'idée et le geste ? Assurément rien. Affronter une femme munie d'une simple hache avec une épée à deux mains pleine de feu n'était rien d'autre qu'un comportement profondément déloyal. Elle le haïssait pour ce qu'il avait infligé à sa mère mais aussi pour ça, cette manière brutale de tuer quelqu'un en l'écrasant. A cause de lui, tout sentiment de sérénité ou de sécurité s'était envolé.

_ Et s'il revenait demain finir son office ? Je ne veux pas revoir ce que j'ai vu, je ne veux pas qu'il te fasse du mal à nouveau. »

C'était la peur qui, dans le fond, transparaissait. Une peur qu'elle essayait tant bien que mal de dissimuler sous sa colère et ses reproches, pour étouffer les doutes et l'incertitude.


Tenter de déchiffrer un visage que l'on connait n'est pas une mince affaire, les années passés à vivre à côté de ce dit dernier aide, fortement, mais n'apporte pas la solution. Tu sais que ta fille se construit, tout comme toi même tu continues de te construire, tant que vous vivrez vous serez ainsi, jusqu'à ce que vous ne soyez plus. Sur ses quatre dernières décennies à ses côtés tu avais vu ses frisettes se détendes jusqu'à ne devenir qu'une simple ondulation, ses sourires faire mouvoir ses tâches de rousseurs sur son nez, la contraction de ses tempes lorsqu'elle se mettait en colère. Sous tes yeux sibyllins, se déjoué quelque chose d'autre. Une tempête qui a passé, dont la mer recrache ses navires échoués sur les plages, planches de bois humides rongés par les crustacés, voiles déchirées, alourdies par l'eau salée. Seul le corps du pauvre marin ne s'est pas échoué, perdu au milieu des écumes de l'océan. Voilà où était ta vérité, immerger dans l'eau corrosive, attendant que le temps l'amène sur le rivage mort ou vif.

Tes joues se creusent lorsque tu entends la voix de ta fille, qui semble encore si petite, te disant que tu la tenais dans tes bras il y a encore peu. Toi qui avait été son univers un temps, l'aidant à connaître le monde et à se forger ses propres opinions, tel que tu l'avais décidé. Comme il fut pour toi lorsque tu es née, plus de trois siècle auparavant. Tu t'en voulais de n'avoir pas prit en considération ses sentiments et ses peurs, tu avais agis comme si tu étais encore seule, sans rendre de compte à quiconque. Mais ce n'était plus le cas, tu devais penser pour deux maintenant, tout le temps, sans retenue et dans tous les domaines, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus et que tu perdures dans l'univers. Attendant que le destin t'ouvre de nouvelles portes et suivant ses enfants et petits enfants, générations à venir d'un œil lointain et bienveillant.

Ton cœur se brise en milles morceaux et tes tympans se déchirer sous ses mots faibles et lourd de sens. Toi même tu essayais, tournant et te retournant dans tes draps chaque nuit à comprendre ce qui c'était passé, ce qui allait en découdre. Le long soupire qui s'échappe de tes lippes est dénudé d'exaspération ou de tout sentiment négatif. Pourtant tu la laissais finir ses palabres, laissant sa peur prendre une forme et avoir un nom. Tandis que tu t'avançais vers elle, d'un pas lent, t'évertuant à ce qu'elle ne prenne pas peur et s'enfuit. Ses derniers mots te déchires dans l'âme, et tu de défais de cette crainte de la rendre craintive, tu t'avances à grandes enjambées, l'enlaçant dans tes bras. Il avait tant de véhémence dans tes gestes, ceux d'une mère qui protège sa chair. Ressemblance absente, mais qu'importe vous étiez semblable dans vos cœurs. « Chut... Je suis là. Tout va bien, ma petite ourse. » Tes bras se font grand dans ton embrassade, tu entoures son corps qui te semble faible en cet instant prêt à défaillir, tes mains frictionnent sa chair. « Personne ne va venir me faire du mal... » Tu embrasses le haut de son crâne, laissant tes lèvres se poser sur sa chevelure de feu et tes narines humer son parfum si particulier, unique, rien qu'à elle. « Ni à toi. Je te le promet. » Ses mots que tu as prononcée te donne l'impression de retentir comme en un écho, qui s'échoue sur les quatre murs de la chaumine, pour revenir en plein cœur.

Silence qui pèse de tout ton être, qui perdure à mesure que tu cajoles ses ondulations rousses, que tes doigts se nouent dans sa chevelure sans crainte d'y instaurer des nœuds. Tu baises encore quelques fois le haut de son crane, n'arrivant pas à faire face à son visage qui serait capable de te faire pleurer. Alors tu en profites de ne pas voir ses grands yeux mordorés pour lui parler lentement. « C'est compliqué ma petite ourse... Oli... » Tu ne savais pas si tu pouvais déjà lui donner un nom, elle qui le prenait pour une bête cornue démoniaque, alors tu t'appliquais à l'appeler par un pronom, il, dénuer de nature, et pourtant ayant plus de poids que son propre prénom. « Il fait parti de mon passé. » Et de ton futur, mais tu ne lui faisait pas part directement. « Lointain. Bien avant que tu naisses, petite ourse. » Bien avant que tu mettes pour la première fois les pieds hors des champs de Theopolis.

Tu frictionnes à nouveau sa chair et son être, avant de la relâcher, baisant son front de tes lippes sèches et craquée, tes yeux, son rougit, mais sec. « Pardonne moi ma petite ourse. » Tu glisses tes doigts le long de ses joues pleines, tu observes les traits de son faciès à la recherche de ses expressions et de ses sentiments. « Je m'excuse de t'avoir fait du mal Syrinx. D'avoir agit ainsi, mais c'est une longue histoire compliquée. » Dont tu n'es même pas sur de savoir par où commencer, ni même comment. Tout comme tu ne sais si elle est capable d'entendre la vérité, sans à se voir briser, par le poids des mots.





Syrinx de Fensalir
NAISSANCE : 313
MORT : 389
ÂGE  : 76 ans
RACE : dryade


Automne 353

« L'appréhension qui sort, en paquet précipités et inégaux, trop plein trop longtemps digéré. L'incertitude, terrible, qui frappe les sens et la psyché et qui se fait une joie de piétiner les constructions sociales et la petite tranquillité paisible d'une vie agricole. Et la peur, sous la rancœur, amère motivation qui pousse à brusquer des mots qui se bousculent avec peut-être un peu trop de hâte. Il y a cette fierté que Syrinx a toujours portée, cette façon de se tenir et de vivre qui empoigne la vie à bras le corps et qui pourtant, en cet instant, retient sa respiration le temps que Lúthien franchisse cet espace insurmontable qui les séparait. Comme la tempête qui balaie, d'un souffle, la poussière dans un espace vide et morne, sans fin ni odeur ni limite. Durant un instant, l'hésitation la saisit, bien vite balayée par le soulagement de trouver la chaleur réconfortante des bras d'une mère et d'un contact familier. Elle ne comprend toujours pas, Syrinx, mais ce n'est pas forcément ce qui compte tandis que ses bras accueillent sa mère pour reformer le lien puissant qui les unit.

Quelque part, c'est comme si tout ceci ne pouvait pas exister, bercée par les bras aimants, chaleur qu'elle rend avec le réconfort de la savoir vivante et en pleine santé. Et bien malgré elle, Syrinx sent ses yeux se faire un peu plus humides, larmes contre lesquelles elle se bat pourtant avec force, parce que cela lui semble stupide ou car qu'elle ne veut pas le montrer.

_ Oh maman... »

Elle profite de ces instants précieux, du contact de la peau douce et chaude, de ce timbre de voix si caractéristique qu'elle reconnaîtrait entre mille et de son odeur qui lui évoque à la fois le bois, la cheminée et les épices du dîner.

Lúthien évoque l'existence de cet homme que Syrinx méprise, de son passé et du temps d'avant sa naissance. Elle ne laisse toutefois pas de grands indices sur ce dont il pourrait s'agir et dans le fond la dryade s'en serait moqué si ça n'avait pas eut des répercussions aussi graves. Elle ne voulait pas exiger quoi que ce soit de Lúthien, c'était sa vie et son histoire, et bien qu'il y ait plusieurs questions que Syrinx n'avait jamais posées, elle faisait confiance au jugement de sa mère. Si un jour cela devait arriver, alors soit, mais chacun avait droit à son jardin secret. Néanmoins, il y avait toutefois une légère amertume, celle de n'avoir sur que faire ni à quoi s'en tenir.

Sa propre main vient rencontrer celle de sa mère sur sa joue, ces mains de travailleuse déterminée, ce qu'elle était et a toujours été, avant de la prendre dans la sienne pour la tenir par la main. Syrinx fronce un peu les sourcils, d'inquiétude ou d'objection, sûrement un peu des deux, et si le ton de sa voix se fait plus calme, il n'en reste pas moins empreint d'un quelque chose d'énergiquement concerné.

_ Maman, tu n'as pas à t'excuser. C'est toi qui a souffert, pas moi, tout comme c'est lui qui est la cause du mal, pas toi. Je sais que je n'ai pas été très facile ces derniers jours mais je t'interdis de penser que c'est de ta faute. »

Syrinx n'était pas dupe, et elle connaissait bien ces expressions, ces yeux, ce visage, cette cicatrice et ce regard qui lui faisait face. Elle voyait ces reflets qui avaient la couleur du regret ou de l'inquiétude. Si elle en voulait à Lúthien, ce n'était pourtant pas vraiment elle le problème.

_ Et peu importe que tu le connaisses ou que tu l'aies connu, ça n'excuse rien à ce qu'il a fait. »

Néanmoins, il y avait une chose que Lúthien n'avait pas dite et que Syrinx aurait aimé entendre. Une certitude absente qui ne la laissait pas tranquille pour le moment. Une question qui reste en suspens et qu'elle pose avec une certaine appréhension.

_ Est-ce qu'il va revenir ? »


De sa tact qui te semble si petite apposait sur la tienne, tu l'enserres avec tant de véhémence, si tu tentais de réchauffer une chair refroidit par un hiver glacial. Il n'en était rien, elle était aussi brûlante que la tienne. Tu ne peux t'empêcher de te sentir coupable de tes actions qui sont à l'origine de toute cette folie, Syrinx a beau te dire que ce n'est pas ton rôle de dire ses mots et pourtant, tu te sens obligée de l'être. « La vérité n'est pas aussi simple que ça Syrinx... J'ai également ma part de responsabilité dans toute cette histoire. Et j'en ai payé le prix, tout comme je devrais encore le payer, certainement... » L'affaire n'était pas réglé, et tu le sais, un jour, pas aujourd'hui, ni demain, mais un jour ou l'autre tu devras t'armer avec tes frères et sœurs Seraph pour changer des choses dans ce monde. « Après ce n'est pas ton mauvais caractère qui va me briser le cœur ma petite ourse, tu es ainsi et je t'aime telle que tu es. » Léger sourire à son encontre.

Ton sourire se transforme en rictus malsain, face à ses propos. Syrinx avait ce don pour être franche, un peu comme toi, à croire qu'elle te ressemblait bien plus qu'à sa fut sa mère maternelle, c'était certainement les années qui parlaient. Ses mots emplein d'une vérité latente qui transperce le cuir de ta peau. « Je lui ai fais du mal aussi... » Sombre murmure. A l'époque tu ne t'étais pas rendu compte que ton absence, l'avait blessé, comme si la réminiscence de vos sentiments l'avaient rendu amer durant ton absence. L'humilité que tu étais incarnée avait fuit face à l'église de l'ordre, bien trop pourrit, jusqu'à la moelle, n'ayant que sanie dans les veines. « Si tout pouvait se régler en claquement de doigts je le ferais ma petite ourse. Mais les sentiments sont ainsi... Volatile et indomptable. » Tu dodelines de la tête, ne sachant quoi trop répondre. Si l'omniscience était ton don, tu t'en étais passée, préférence la tangibilité de l'humain, capable de donner des couleurs aux sentiments et de peindre une vie avec des couleurs si vives qu'il te serait impossible de donner un nom à chaque de ses nuances.

La réponse a sa dernière question avait été longue, bien trop à son goût, tu n'avais pas du arranger les choses en gardant un peu le silence sur ce sujet-là. Iris qui semble opaline à la rencontre de son regard ambré, tu plonges dans le plus profond de son être, avant de lui répondre. « Non. » Non, Olieron, alias Justice, ton frère aîné, allait revenir dans votre maison et abattre sa justice arbitraire sur votre foyer. « Je ne pense pas. » Tu n'en étais pas sur après tout, l'inconnue, cette pointe de frison qui fait parcourir ton être et te donne l'impression d'être en vie, était présente. Mais elle avait un autre goût, celui de la crainte, qui fait hérisser les poils de ta nuque à chaque fois que tu entends un bruit qui le caractérise. C'était cette crainte latente, malgré ses propos disant qu'il avait à faire ailleurs, qui te donnait espoir qui tienne parole. Ta tact venant caresser sa chevelure de feu une dernière fois, tu apposais un doux baiser sur son front lisse. « Rassure toi, ma petite ourse, tu n'as pas avoir peur, je te protégerais coûte que coûte. Comme toujours. N'est-ce pas ce que font les mamans après tout ? » Petite taquinerie de ta part, tu lui donnais un coup de doigt sur son bout de nez.

Rongée par la culpabilité, tu avais finis par baisser les épaules et arrondir ton dos, reculant d'un pas, puis d'un second. Un regard circulaire lancé dans la pièce et finissant par s'attarder auprès des deux fauteuils de cuir et de bois qui étaient au fond de la sale, prêt du rouet et du métier à tisser. « Tu devrais t'asseoir. » Non pas part crainte que tes propos puissent la faire chavirer, mais surtout, car il allait être long. Sans piper mot de plus, tu prenais part sur l'un d'entre eux, dernier geste de la main pour lui intimer de faire la même chose. « Est-ce que tu te souviens ce que je t'avais appris lorsque tu étais encore une enfant ? » Ces histoires de chevalier et de combat équipe, d'hommes et de femmes et encore bien d'autres créatures se battant non pas pour la gloire, mais pour l'honneur, mettant en fer de lance la morale au dessus de la loi des hommes et des dieux. Qui ose dire non, mais aussi et surtout de cette chose et être inhumain, qui derrière avait révéler au grand jour leur dit destin, et inscrit dans la toile, laissant chaque fibre et fils tisser le rendre immuable. Cette sorte de Pythie, qui avait parler et dont ses paroles avaient prit vie. Toutes ses petites histoires aux noms défaits, et changeant les lieux pour les rendre irréel, et intangibles et pourtant ayant une part de véracité sans faille.

Un silence. « Est-ce que tu t'en souviens ? » Lui redemandais-tu une seconde fois, attendant sa réponse, ne la laissant pas tomber dans l'oreille d'un sourd. Prêt à lui révéler des choses lourdes de conséquences.





Syrinx de Fensalir
NAISSANCE : 313
MORT : 389
ÂGE  : 76 ans
RACE : dryade


Automne 353

« Sa réponse la laisse dans un flou vague, un sous entendu qui laisse à imaginer tout et rien à la fois. Qu'elle ait ou non sa part de responsabilité, Syrinx s'en moque. Elle connaît sa mère et ses habitudes, ses valeurs, ses manies, ses tics. Elle a eu de la chance d'être élevée par elle et pour rien au monde n'aurait-elle voulu changer cela. Une femme bien, voilà ce que c'était, un modèle d'humilité sur lequel devraient parfois prendre exemple certains. Dans tous les cas, rien ne lui semble justifier un tel comportement, même si Lúthien lui affirme le contraire. Et même si c'était le cas, dans le fond, ça n'aurait pas empêché la dryade de défendre bec et ongles sa famille contre n'importe qui. Complètement subjectivement, avec les faibles moyens dont elle disposait.

Pendant une seconde, le cœur de Syrinx manque un battement. Les sentiments sont ainsi. Les sentiments ? Quels sentiments ? Elle fait un effort pour se contenir et rationaliser cette pensée. Cela pouvait tout et rien dire à la fois, mais dans le fond, elle ne pouvait s'empêcher de craindre qu'il n'y ait un sous entendu plus profond. Elle ne savait pas comment elle réagirait si elle lui annonçait là maintenant que c'était son ancien amant et qu'elle éprouvait toujours des sentiments pour lui. Se faisant violence, elle chassa cette pensée de son esprit et se concentra sur l'instant présent. Par tous les dieux, faites que ce ne soit pas ça. Il ne reviendrait pas selon Lúthien. Mais Syrinx n'était pas entièrement convaincue de la propre conviction de sa mère, et tout ce qu'elle espérait c'était qu'elle ait raison. Tout ceci paraissait si irréel et terrifiant à la fois. Le pire qu'elles pourraient craindre serait une attaque de brigands, elles qui étaient isolées du village le plus proche, mais jamais elle n'avait pensé qu'un homme seul s'en viendrait provoquer l'apocalypse un jour. Était-ce ça, la magie ? Une  bien sinistre force, alors.

Lúthien s'écarte, observe la salle. Soudain, elle semble si fragile à Syrinx, dans la lumière vacillante et chaleureuse de l'âtre. Elle avait toujours vu sa mère comme une force de la nature, une femme forte dont la hache savait se défaire de n'importe quel arbre si elle le souhaitait. Et pourtant, en cet instant, après ce qu'elles avaient vécu, elle paraissait presque vulnérable, les yeux rougis et les épaules affaissées.

Syrinx prend finalement place sur l'un des confortables sièges de la maison, son préféré lorsqu'il s'agit de profiter du silence en tricotant devant l'âtre chaleureux de la cheminée. La question qui s'en vient l'intrigue un peu, elle voit difficilement le rapport avec leur discussion actuelle et pourtant elle n'ose pas interrompre sa mère. La dryade attend les mots à venir avec une attention certaine et choisit ses mots avec précaution. Des choses, il y en avait plein, elle avait un peu de mal à voir de laquelle parlait sa mère.

_ Tondre le mouton ? Couper du bois ? Tisser le fil ? Les histoires des golems vengeurs de la forêt ? »

Les golems vengeurs de la forêt, ces êtres de pierre et de magie, endormis dans les plus profondes des forêts de Nueva et qui viendraient s'en prendre à ceux qui font du mal à la nature. Autrement, des créatures très paisibles qui semblent ne rien faire d'autre qu'attendre et déambuler lentement dans les bois. Assurément, c'était une raison très convaincante de respecter la nature et la vie sous toute ses formes. Pourtant, Syrinx sentait bien que ce n'était pas la réponse qu'attendait sa mère, mais elle aurait eu beaucoup de peine à deviner que ces histoires et ces fables étaient peut-être plus que de simples histoires.

_ Est-ce que tu parles de l'histoire de Nueva et des Anciens Dieux ? »


Le cuir de l'assise du fauteuil crissée sous tes mouvements, tu remuais et gigotés à plusieurs reprises, tu donnais l'impression de rechercher une place confortable. En vain, le fauteuil l'était, mais ta gêne persistante, te donnait l'impression que non. Ajouté des tissus ou des coussins ne changeraient au problème, tant que tu ne trouverais pas le moyen de te débarrasser de ses problèmes qui plombes ta conscience. Tes doigts s'accrochent contre les rebords en bois, laissant tes ongles courts et abîmés se faire dans la partie tendre de l'élément. Tu te perds dans les flammes, avant de regarder ta fille s'asseoir en face de toi, dans le sien. Tout avait été fait pour vivre à deux dans cette maison, ne laissant que peu de place à une tierce personne, hormis une visite impromptue, tout au plus. C'était comme si la chaumine, refusait et criait à quiconque qui essayé de venir ici, de vite repartir et faire demi tour. Trop de secret ont lieux ici, trop pour être dit à voix haute, entendu par les oreilles de nature et des hommes.

Silence que tu fais, ouvrant tes oreilles sourdes à ses palabres et questions, tu esquissais un léger soupire qui se transforme en rire quand tu vois de quoi elle parle. Il y avait un léger décalage entre vos deux idées, ce n'était pas de sa faute, mais un peu de la tienne, de ne pas avoir été assez claire dans tes propos. « Non je ne parle pas de ça petite ourse. » Tu te frottes ta joue balafrée, cherchant quoi dire, mais surtout comment le dire. Il n'était pas question de Nueva, ni même des anciens Dieux, bien au contraire, c'était tout l'inverse. Les nouveaux pseudo dieux, dont tu faisais toi-même parti à ton insu, de Mearian et de son église corrompu qui forme des âmes à la sanie sans nom. « Par où commencer... » Tu lui parlais à elle, tant à toi même, cherchant dans tes souvenirs bien trop ancien pour un cerveau humain à chercher les histoires que tu lui racontais dans son lit pour qu'elle s'endorme ou bien devant l'âtre du feu lorsque le tonnerre grondait dehors et qu'elle n'était pas rassurée.

Tu te raclais la gorge, réfléchissant à comment lui donner les informations. Tu avais fini par trouver tes mots, te redressant dans ton assise tu t'avançais vers elle pour lui parler doucement. « Lorsque tu étais toute petite je te parlais de l'histoire d'un roi ourse qui avait vécu de nombreuses aventures dans sa vie. » Tu lui souris. « Même que tu l'aimais tellement, que tu voulais absolument que je t'appelle ma petite ourse. C'est pour cela qu'aujourd'hui encore je t'appelle comme ça. » Tu dodelinais de la tête doucement. « Les vieilles habitudes restes. » Pour sur, ce n'était pas les histoires de golems et des vengeurs de la forêt, c'était une histoire d'animaux de la forêt, plus enfantine, plus adapté à Syrinx et son jeune âge. Une fable qui semble aux premiers abords simplettes, enfantine, comme à l'enfant à qui elle était destinée, et pourtant bien plus sombre que ce qu'il n'en paraît.

Alors tu commençais ton récit. « Il était une fois une ourse, simple animal venu du haut des montagnes du Nord, venant de Mearian. Un jour, avec d'autres de ses frères et sœurs ils étaient descendus de leurs forets avec des présents à offrir aux autres animaux de la forêt. » Tu marquais un temps de pose, déglutissant rapidement. Pour la première fois de ta vie, cette histoire devenait plus réelle, qu'une simple fable. « Ils avaient amené avec eux des vertus provenant dans leur monde, de ces mêmes vertus qui se faisait absentes chez les autres animaux de la forêt. Comme perdu au plus profond de leurs histoires. Trente vertus, comme des rois qui étaient descendus du haut des montagnes. » A partir de ses mots là, tu venais de dire les grandes lignes de cette fable, assez pour lui rappeler de quoi il était question, mais malgré tout, tu continuais à raconter cette histoire. « Parmi eux, ce trouvait l'ourse Humilité qui aidait les animaux de la forêt à récolter les baies et racines, et autres aliments pour tenir l'hiver. » Jusqu'ici tout allait bien, mais parfois les choses les plus infâmes ce cache derrière les plus beau cadeaux. « En remerciement les autres animaux lui avait offert des cadeaux, mais ses frères et sœurs, voulaient plus, ils ont demandé à être appeler des rois. » Tu te tordais les doigts, un peu anxieuse. « Tu te souviens de cette histoire ? Et des autres qui allaient avec ? Elles ont un fondement vrai... » Silence, tu attendais la réaction de ta fille face à tes propos.




« Si Syrinx avait senti les prémices d'un quelque chose à venir, attendant patiemment mais non moins attentivement les mots de sa mère, elle restait toutefois pour le moment dans une certaine confusion. Elle comprenait que Lúthien voulait lui transmettre quelque chose mais les détours empruntés la laissait perplexe. Quelle métaphore les ours et les rois pouvaient-ils bien véhiculer qui puisse les concerner toutes les deux ? Qui puisse expliquer la violence d'un homme qui s'en prenait aux femmes ? Elle se souvenait de ces histoires, de ces contes qui avaient bercé son enfance pendant les longues soirées au coin du feu. Si, en temps normal, la dryade aurait pu être agacée par le suspense qui s'instaurait, elle ne disait néanmoins, voyant bien que Lúthien cherchait les mots justes, avec peut être une certaine hésitation, une précaution qui, dans le fond, était assez inhabituelle. Et c'était précisément cette incertitude qui l'inquiétait. Elle répondit après un instant de silence, son regard ne quittant pas celui de son vis à vis et restant dans l'expectative.

_ Je m'en souviens. Bien sûr. Et des autres, aussi. »

Un fondement vrai ? Au-delà du fait qu'il fallait se méfier de certains ours qui prenaient parfois la grosse tête et se mettait dans l'idée de dévorer les animaux plus petits qu'eux ou qui refusaient de les servir, Syrinx avait un peu de mal à imaginer une réalité inspirée de ça.

_ Et ils dirent aux autres animaux de la forêt que seuls ceux qui les considèreraient comme des rois pourraient profiter de ces vertus car il était juste et légitime que les ours, qui apportaient la bienfaisance, soient placés au-dessus des autres qui devraient les servir avec honnêteté et loyauté. »

Cette histoire était le prétexte à tout un tas de morales enfantines et un peu simplistes sur les bords mais même encore aujourd'hui avec le recul de la vie d'adulte qu'avait Syrinx, elle chérissait ces histoires car c'était sa mère qui les avait inventées. Et chaque ours avait son chapitre, le récit de ses péripéties et mésaventures. Parfois en bien, parfois en mal, parfois pour protéger la forêt.

_ Quelques animaux refusèrent mais alors ils restèrent dans l'ignorance et la difficulté, dans les affres des affects et sans lumière pour les guider. Selon les ours, ils étaient l'instrument de leur propre malheur, à ne pas vouloir accepter les vertus qu'ils leur apportaient. Certains résistèrent, mais tous finirent soit par abandonner, soit par disparaître, et bientôt la forêt éleva trente rois et reines ours, chacun portant le nom de sa vertu, pour guider le peuple des bois de leur sagesse. »

Du moins, dans les grandes lignes. Il pouvait y avoir plusieurs lectures et le terme « disparaître » pouvait être bien ambigu.

_ Maman, qu'est-ce que ça a à voir avec tout ça ? »


Il y a les ongles et la peau qui s'entrechocs, trop souvent au vu de l'état de ta peau, abîmée par les affres du temps, du travail, mais également de tes émotions parfois trop réactive face aux événements. C'était le cas en cet instant présent, tes mains qui se tordent et retordent face aux paroles de ta fille qui se fait maintenant bien trop vieille pour être considéré encore comme une enfant, ce que tu faisais parfois, trop souvent. Bien au fond de ton siège, tu écoutes les moindres mots de cette voix qui t'accompagne presque depuis un demi siècle, elle est apaisante, même si ses propos sont comme des poignards qui te transperce de part en part. Bouche entre ouverte, tu t'appretais à parler pour lui dire tout ce que tu avais sur le cœur, mais tu ne désirais pas l'interrompre, alors tu refermais et réouvrait de temps à autre cet orifice orative. Jusqu'à ce que vienne sa dernière phrase, simple question à première vue, et pourtant avec pleins de sous entendu.

Le silence se fit entendre longtemps, jusqu'à ce que tu le rompes, d'abord en toussant, main devant la bouche. Un peu en retrait tu commençais à parler, comme si tu cherchais à mettre de la distance entre vous deux, de peur de te faire rejeter. D'entendre un refus passer à travers ses lippes et ses cheveux flavescent. « Et si je te disais que tout ceci n'était pas une histoire pour les enfants... » Tu t'étais lancé dans les explications et revenir en arrière serait compliqué, bien trop risqué. A celui qui avait commencé à parler, à révéler la vérité, il se devait de continuer, jusqu'à la mort, et au delà de sa mort, de transmettre son histoire, la vraie histoire aux oreilles sourdes de ce monde fou.

Tu prenais une longue inspiration avant de reprendre. « Que ces trente ours ont réellement existé et que l'homme qui est venu la semaine dernière était l'un d'entre eux... » Tu attendais sa réaction, et pourtant malgré tout, tu ne pouvais pas t'arrêter en si bon chemin, tu avais commencer à parler et revenir en arrière serait regrettable et dangereux, alors tu continuais, t'humectant de temps à autre les lèvres. « Que j'ai fais également parti de cette congrégation, en quelque sorte, que j'étais moi-même l'un de ses trente ours, j'avais ma vertu, comme il avait la sienne. » Tu fronçais des sourcils, attendant qu'elle dise quelque chose qu'elle t'interrompe dans cette folie qui devient atroce à tes yeux.

Tu finissais par poser tes mains sur tes genoux, te penchant en avant, comme pour recevoir le moindre de ses murmures, allant même a accepter si elle désirait t'offrir un coup pour te punir d'avoir garder le silence sur ses éléments. « Que ses ours sont quelques choses que tu connais... » Et dont tu n'arrivais pas à dire le nom, tant cela te semblait improbable et irréalisable que tu avais cette conversation avec ta fille. Qui pourtant tu savais aller arriver un jour ou l'autre.





Syrinx de Fensalir
NAISSANCE : 313
MORT : 389
ÂGE  : 76 ans
RACE : dryade


Automne 353

« Le silence, bien trop long, qui s'étire et s'étend dans les interstices de la maison, assourdit les esprits pour ne faire plus résonner que les battements du cœur dans les tempes. Syrinx observait sa mère et elle lui faisait peur. Peur d'une inquiétude qu'elle ne lui connaissait pas, qui transparaissait d'une manière qu'elle n'avait pas l'habitude de percevoir chez elle. Elle, la femme qui coupe du bois à mains nues et dresse des ours sauvages dans la forêt. Du moins, selon les rumeurs du village c'est ce qui expliquait la sacrée cicatrice qui lui traversait le visage. La preuve de sa témérité. Pourtant, Syrinx la trouvait belle, cette marque, comme un quelque chose d'authentique et de brutal dans les traits fins de son visage. Un contraste qui reflétait bien ce qu'elle était. Mais en cette soirée, les yeux verts de la dryade allaient et venaient de l'un à l'autre du regard de sa mère d'une façon un peu trop vive, cherchant à y déceler un indice, quelque chose.

Elle écoute, attentive, au rythme d'un battement de cœur qui s'accélère peu à peu, doucement. Elle s'interroge sur le sens des mots, sur ce que veulent bien pouvoir signifier trente ours d'une fable dans la vie réelle. Une vie où malgré son lien avec la nature elle n'avait jamais eu l'occasion de croiser la route - dieu merci - d'un seul de ces plantigrades. Trente vertus dictatoriales et exagérées pour les besoins d'une mise en scène des histoires du bois joli. Incertaine, le moment qu'elle redoute tant est pourtant là, dévoilé. Cet homme et Lúthien semblent avoir un lien bien plus important que tout ce que Syrinx pourrait jamais accepter. De quelle nature, elle ne saurait le dire pour le moment.

Se penchant légèrement en avant, dans un malaise communicatif qu'elle essaie de dissimuler, elle pose sa main sur celle de sa mère avec une assurance qui se veut plus forte que ce dont elle possède actuellement.

_ Maman... »

Elle sert un peu plus sa poigne comme si avoir plus de force pouvait tout balayer d'un seul geste.

_ Tu peux bien être une ourse ou que sais-je encore, je suis là, tout va bien d'accord ? Si cette personne veut quoi que ce soit que tu ne veuilles lui donner, la prochaine fois il y aura deux haches pour l'accueillir. Si quelque chose ne va pas, tu peux me le dire tu sais. Même si tu m'appelles encore ta petite ourse, j'ai quand même quatre décennies désormais. »

Dans les faits, c'était plus facile à dire qu'à faire, surtout quand il s'agissait de la personne qui vous avait vu grandir et qui vous avait portée. On n'imagine jamais qu'une mère puisse manquer de force ou d'assurance devant sa fille. Et pourtant...

_ Il se cache quoi derrière ces ours ? »

Tant qu'elle ne lui annonçait pas que cet homme était son père, elle pourrait tout encaisser.


Au soulagement s'ajoute l'amusement de voir ses réactions qui se défile sur les traits jeunes et frais de ta fille adoptive, de la dryade. Sa tact qui se pose sur la tienne, qui tente de se faire douce, contemplative, réconfortante. Tu apposes la tienne par dessus la sienne, un mille feuille de chair qui se pose sur tes jambes. Tes yeux ries, alors que ta tête dodeline de droite à gauche et de gauche à droite. « Oh ne t'inquiète pas pour cela, ma petite ourse. » Le spleen qui pouvait être présent en petite touche dans ton âme, disparaissait totalement, alors que le courage et la voix te prenait dans la gorge, puissance et vitalité.

Tu prends ses mains dans les tiennes et tu poses tes iris sur les sienns, te noyant dans cet océan de verdure qui à la couleur du lichen qui se développe sur une roche humide, dans une prairie où dolmen se pose et s'érige dans le paysage. Puis ton regard fuit sur la tapisserie au fond de la pièce, là où le mur est recouvert de tapisserie comme les quatre murs de la chaumine. Tu y vois ton travail, ton tissage, là où les mailles de couleurs s'entremêlent histoire qui proviennent de contes et d'histoires du passé, du tient, de Mearian, mais également des autres pays. Stylisé. On y voit une ville entourée de champs, avec des hommes et des femmes, tu t'y es représenter en silhouette, et au fond dans l'ombre, on peut y avoir des monstres aussi haut que la cime des plus jeunes arbres, aux formes étrange, difforme, humanoïde, mais sans plus. Tu y es par deux fois. Sous tes deux formes. Olieron y était aussi, sous les deux formes. Tu n'y avais emplain aucune connotation religieuse, tu n'en voulait pas. Tu voulais seulement des représentations de la vie, des hommes, du quotidien.

Un tapotage est offert. « Il n'y aura pas besoin de haches. Prendre les armes, sans avoir utiliser les mots et vain et futile. C'est comme si je te punissais sans t'en donner la raison. Stupide et improductif. » Un soupire qui traverse tes lippes enflammées par les mots qui essayent de s’enfuir de ta bouche incandescente. Tes épaules s'affaissent, et tu t'enfournes dans ton siège, tu contractes ton mâchoire et tu tournes la langue dans ce cloître. « Les choses sont bien plus compliqués que ce que tu penses. Même tes quatre décennies ne serait suffisante pour comprendre et entrevoir les changements et les altérations des histoires, des hommes et des pays. Même moi qui suit plus vieille, j'en ai du mal. » Même les dieux devaient avoir des difficultés. « Parfois... » Mais pas toujours. Heureusement.

Tu t'en perds dans tes pensées, revenant quand les bruits de ta fille se font entendre, tu reviens vers elle, le visage différent, comme marqué par le temps et ses affres, aux traits fatigués. « Hum ? » Cet air disparaît peu à peu. « Derrière ces ours ? Mes frères et mes sœurs. Des êtres comme moi, que tu connais. » L a sincérité de tes propos est déroutante, comme une claque qui peut être offerte ou bien une accolade, selon comment la personne en face la prenait. « Mais puisque tu tiens tant à savoir très bien, je vais tout te dire.... » Tes lippes se pincent. « Mais ne crie pas. » Tu relâches tout contact, tu recules même ton siège, sans piper mot de plus tu te montres sous ta plus grande vérité, laide et humide. Douloureuse et entravé. Tu es ce que tu es, un être éthérée, morbide et fascinant. Il n'y a plus qu'à attendre. Mais le monstre de la tapisserie venait de prendre vie dans ton salon.





Syrinx de Fensalir
NAISSANCE : 313
MORT : 389
ÂGE  : 76 ans
RACE : dryade


Automne 353

« Même si la situation était trop sérieuse pour s'attarder là-dessus, que Lúthien trouve encore le temps de lui faire la morale sur les mots, les haches et les punitions fit retenir un petit soupir agacé à Syrinx qu'elle camoufla derrière un habile froncement de sourcils. Si cet homme revenait avec les mêmes velléités belliqueuses, stupide ou pas, elle serait là pour lui montrer qu'elle ne savait pas manier que la poêle à frire. Lúthien était probablement la meilleure bûcheronne a dix lieues à la ronde et Syrinx travaillait dur pour être la deuxième meilleure bûcheronne après elle.

Tous ces mystère commençaient cependant un peu à courir sur le haricot de la dryade. Elle restait compréhensive envers sa mère, bien sûr, et c'était à elle de dire ce qu'elle voulait dire et quand, mais il n'y avait rien de plus horrible que d'entendre son aînée lui dire que quatre décennies n'étaient pas suffisantes pour appréhender quelque chose. Elle s'estimait bien assez prête pour affronter la vie et ses secrets. Après tout si elle ne l'était pas aujourd'hui, cela voudrait dire qu'elle ne le serait probablement jamais.

Néanmoins, Syrinx avait sa curiosité piquée à vif. Lúthien parlait très peu souvent de sa vie d'avant, ou tout du moins en des termes qui laissaient clairement plusieurs zones d'ombre. Syrinx savait évidemment qu'elle n'était pas sa fille par le sang, mais cela n'avait jamais fait grande différence dans le cœur de la jeune femme, bien qu'une partie d'elle ait toujours été curieuse de savoir qui avait été ses parents et ce qu'il s'était passé pour en arriver là. Toutefois, en quarante ans Syrinx avait eu le temps de noter un détail ici ou là, une remarque ou une façon de répondre qui laissait à penser qu'elle ne voulait pas trop évoquer la vie qu'elle avait eu avant Nueva. Pour sûr elle avait voyagé, d'après les récits qu'elle lui avait déjà contés et les descriptions du monde extérieures qu'elle lui avait dépeintes. Mais de frères et sœurs la dryade n'en avait connaissance. Et quelque part, elle espérait juste que cet Oliéron ne soit pas son frère, car cela ferait techniquement de lui son oncle et Syrinx n'était psychologiquement pas prête.

Mais il y avait autre chose à laquelle elle n'était pas prête. Et lorsque Lúthien se métamorphosa, ce fut une vision d'horreur qui s'imposa au regard de la dryade, qui bondit hors de son siège, une main sur la bouche pour retenir un cri. La familiarité des cheveux blancs et de la cicatrice de sa mère avait laissé place à une apparition morbide. Un faciès éthéré avec une bouche biscornue ; une peau pâle et presque diaphane, d'allure moite, de la couleur verdâtre des corps qui sont restés un peu trop longtemps sous l'eau. En une fraction de seconde, tout ce que pensait savoir Syrinx venait de voler en éclat, emporté par la brutalité de cette chose aberrante. Les poignets attachés comme pour un animal que l'on conduit à l'abattoir et le cou ceint d'une lourde entrave de métal, c'est toutefois l'immense crochet de fer qui traverse le corps de ce qui était sa mère une seconde plus tôt qui l'effraie le plus. Tâché de ce qui semblait être du sang ou de la rouille, il empalait l'abdomen comme on aurait embroché du gros gibier : avec violence et sans empathie.

Les dernières paroles de sa mère prenait soudainement sens, mais étaient balayées par la panique qui commençaient à s'emparer de Syrinx. Le teint pâle et la respiration sèche, elle ne savait même pas si ce qui se tenait devant elle était ne serait-ce que sa mère. Un profond malaise émergea soudain, la remise en question de beaucoup trop de choses à la fois. Les yeux écarquillés, pupilles étrécies, Syrinx tentait tant bien que mal de contenir la folie qui s'agitait en elle mais la peur se faisait bien trop forte. Au fond d'elle, elle avait l'intime conviction que cette chose était dangereuse.

Elle recula, saisie d'effroi, comme si le déni avait le pouvoir d'effacer ce qu'il se passait, avant de  buter contre le manteau de la cheminée. Le choc, aussi anodin puisse-t-il paraître, la ramena brutalement dans une forme de conscience trouble à la lucidité incertaine. Là, à ses côtés, un des tisonniers de la cheminée. Dans un acte à mi chemin entre le refus de ce qu'elle voyait et le désespoir d'une incompréhension totale, elle saisit l'arme avec fermeté, la brandissant des deux mains devant elle avant de s'adresser à la chose qui se trouvait devant elle en lui criant à moitié dessus. Elle avait sur le visage l'affect de l'inquiétude et de la crainte.

_ QU'EST-CE QUE VOUS AVEZ FAIT A MA MÈRE ? »

Au final, elle aurait peut-être préféré qu'on lui annonce qu'Oliéron était son père.




Syrinx de Fensalir
NAISSANCE : 313
MORT : 389
ÂGE  : 76 ans
RACE : dryade


Automne 353

« C'était probablement la réaction que Lúthien redoutait le plus. La plus logique, également, face à l'allure monstrueuse d'un noyé n'étant au final rien d'autre qu'un cadavre enchaîné et transpercé d'un éperon de métal. La peur de Syrinx était légitime, mais elle n'en faisait néanmoins pas moins mal à l'intérieur. Cette crainte que suscitait l'horreur de cette véritable forme et qui se retrouvait dans l'éclat de vénération apeurée qui brillait souvent dans les yeux des fidèles à Mearian. Que ce soit pour elle ou n'importe lequel de ses frères et sœurs. Les seraphs étaient des monstres dans le cœur des hommes. Des choses aliènes et étrangères à ce monde, aussi bien en apparence qu'en pensées. Et ça, ni leurs efforts ni leurs mots ne pourraient rien y changer. Il y aurait toujours, dans le premier regard porté, l'écho d'une peur éphémère dans les veines, un réflexe primordial face à l'inconnu et au danger potentiel. Certains seraphs avaient eu la chance de venir au monde dotés d'une forme harmonieuse, suscitant admiration, harmonie ou paix. Des allures glorieuses et pleine de lumière. Lúthien, elle, n'évoquait que le morbide froid et spongieux d'un corps passé trop longtemps sous l'eau. Mais, après tout, qu'était-ce pour Humilité sinon une façade dont elle s'accommodait avec toute la force et la sagesse de sa vertu ? Elle endurait, enchainée, avec la patience de ceux qui savent et choisissent de continuer.

_ Je suis ta mère, Syrinx. »

Inutile de passer par des détours, la réalité s'étalait à la face du monde dans toute sa cruelle nudité. Elle devait voir les choses telles qu'elles étaient réellement. Elle devait l'accepter. La dryade hésita un instant, assommée par les mots puissants qui venaient de lui être assénée. Si elle refusait de voir ce qu'elle avait en face d'elle, pourtant, elle l'avait vu de ses yeux propres, la métamorphose de Lúthien en cette... Chose ?

_ Il est temps de te dire la vérité maintenant, tu mérites de le savoir. Je suis un seraph, et ce que tu vois est ma véritable forme. »

Les mots sombrent dans le silence, à peine perturbé par l'écho d'un souffle précipité, du bouillonnement de la marmite et du crépitement des flammes dans le foyer. Le regard de Syrinx allait et venait, dévisageant cette apparition sans trop savoir où le poser. Malgré son visage aveugle, Lúthien la voyait, déchirée entre le refus et la possibilité d'envisager cette vérité qu'elle avait tenté de lui dévoiler peu à peu au travers de métaphores pour enfant.

Le tison tremble, entre les mains blanchies par la poigne qu'elles exercent sur le métal. Hésitation présente également dans le cœur du dieu.

_ Les ours descendus de la montagne, ce n'était pas qu'une histoire. Il y en a trente, j'en fais partie et les autres sont mes frères et sœur. L'homme que tu as vu l'autre jour, Oliéron... Il est la Justice, tout comme je suis l'Humilité et... »

Tournant ce qui lui servait de tête vers sa fille, elle attendait une réaction, un quelque chose, n'importe quoi, mais il n'y avait que cette crispation tétanisée face à ce qui lui semblait être une montagne infranchissable. Elle tentait de la rassurer, de lui parler, mais même ses lèvres étaient des sortes de mandibules inhumaines.

_ Syrinx... S'il te plaît... »

Dans un élan d'espoir, Humilité fit un pas en avant, comme pour briser cet espace douloureux qui les séparait. Mais ce fut l'audace de trop, une incertitude de plus distillée dans un cœur déjà rongé par le doute, la peur et cette espèce de sentiment amer difficile à identifier.

_ NE T'APPROCHE PAS. »

Les mots fusent comme la poigne cruelle de doigts crochus se refermant sur l'âme. Une cassure dans la confiance, une remise en question de toute une vie. Qu'est-ce qui peut assurer, au final, que ce qu'elle voit est la vérité ? Que ce qu'on lui dit est juste ? Ne serait-ce pas plutôt cet homme qui aurait maudit sa mère, la rendant hideuse et difforme, aveugle et enchaînée ? Syrinx n'avait jamais vu de seraph de sa vie, mais jamais elle n'aurait imaginé une telle chose : des êtres atroces portant pourtant le nom de vertus merveilleuses.

La tension est trop forte. Le questionnement également. Elle ne peut pas affronter ça, elle ne peut pas changer la forme de son esprit si vite. Elle doit évacuer ce trop plein qu'elle accumule depuis plusieurs jours, cette révélation en apothéose. Elle doit faire le tri.

Lâchant le tison qui vient s'écraser sur le sol de pierre avec un bruit métallique, déjà elle tourne les talons, preste et agile, jusqu'à la porte d'entrée avant de s'enfuir dans la nuit.

Dans la salle de vie, seule la lumière tremblotante de l'âtre projette sur le mur les ombres étranges d'une forme qui l'est encore plus. Le silence, bercé par le feutré des flammes et le bouillonnement de la marmite. Une solitude froide et sans morale s'abat sur le lieu comme le couvercle d'un cercueil qu'on referme. Peut-être est-ce là la destinée des seraphs, après tout, ne jamais pouvoir fréquenter l'humanité autrement que par la peur qu'ils suscitent, transformant ce moteur en vénération plutôt que d'attendre la lapidation. Alors Humilité espère, sans certitude malgré les quarante dernières années, que sa fille lui reviendra, elle qu'elle pourront de nouveau se serrer dans leurs bras.

Elle attend, immobile. Sa face humide des eaux qui l'ont noyée.