dans les ténèbres
elle sommeille
soif de savoir
La terre n’était jamais plus belle que par les cieux. À cette altitude, les continents se dessinaient parfaitement, et on se rendait compte qu’ils ne correspondaient aux cartographies approximatives que les hommes avaient créées. Cependant, les biomes respectifs des nations ne laissaient aucun doute. Là, il y avait Mearian. Un territoire qui lui paraissait bien lointain et pourtant si proche à la fois - rempli de verdures, et d’ici, on pouvait voir l’architecture gothique des églises meariennes. Plus bas, on voyait Akantha. Une terre difforme, rouge, aux tempêtes de sables visibles et aux vers géant émergeant du sol pour y replonger avec une aisance déconcertante. En face, il y avait Nueva. Beaucoup de vert, seul l’Arbre-monde était visible et se démarquait clairement du reste, le reste était caché dans l’omniprésente et suffocante végétation. Un pays bien trop monochrome à son goût. Ellgard, lui, était sans doute le plus laid de tous. On voyait d’en haut ces cheminées vomissant leurs fumées et ces étendues vides au-delà de la métropole. Quelques bâtisses çà et là perdues dans les forêts enneigées. C’était vide, laid, monotone.
Ses yeux aveugles se dirigeaient enfin sur Fhaedren. Un continent dévasté, ravagé, calciné. Cela se voyait encore mieux de haut. De la hauteur, les soldats ellgardiens et meariens étaient similaires à des fourmis grouillantes en perpétuel mouvement. Cela faisait un moment que le conflit durait sans que rien ne bouge ; quand allait-elle enfin réussir à goûter à la satisfaction d’une terre totalement ravagée et possédée ? À présent, cela était son devoir, s’emparer de Fhaedren. Pas pour son accomplissement personnel et à vrai dire pas non plus pour l’Empereur, mais plutôt pour le corbeau. Toutes ses actions depuis de longs mois avaient été menée à contre courant de son égoisme, et avaient été effectuées pour son maître. Elle n’y réfléchissait même plus ; il lui était nécessaire en bien ou en mal et c’était une justification suffisante pour obéir à ses lubies, quelles qu’elles soient.
« Si vos soldats savaient que vous les observiez même d’en haut…, souffla-t-elle, sa voix monstrueuse s’échappant des tréfonds de sa gorge. »
Ses ailes s’agitaient dans l’air avec une fluidité chirurgicale. Ses tissus embrassaient l’air pour prendre de l’envol, puis ses membranes s’immobilisaient, caressées et portées par le vent. Son imposante stature abyssale se mouvait avec soin pour ne pas faire chuter le passager - sans doute unique créature capable de se servir d’elle comme monture - de son dos. Les secousses étaient belles et bien présentes, mais la selle épaisse et solide qui recouvrait ses écailles, presque encastrée dans son exosquelette suffisait à maintenir une stabilité, couplé à la bride fixée sur sa gueule menaçante, permettant à l’Inquisiteur d’orienter le dragon à sa façon et surtout grâce à l’obéissance relative de la bête. Cela faisait une heure qu’ils voyageaient en direction de Nueva et étaient proches de leur destination. À cheval ou à pieds, il fallait plusieurs jours pour traverser Ellgard et pénétrer le territoire nuevien, davantage encore si on partait de Fhaedren. Mais l’envergure et la puissance du dragon lui permettait de se rendre à un point à un autre bien plus rapidement que les mortels ; quelques heures à peine suffisaient pour rejoindre Nueva, et moins d’un jour pour voler jusqu’à Akantha. Ici, le voyage était nécessaire.
Alors que sous eux ne se trouvait que les masses difformes des conifères, Aerith perdit en altitude, ses yeux aveugles visualisant l’endroit qu’elle voulait rejoindre. Le violent bruit de ses ailes et sa forme obscurcissant le sol avaient sans aucun doute attiré l’oeil curieux des elfes, mais ils n’étaient capable de poser mot sur ce qu’ils pensaient avoir vu. La forme draconique se rapprochait du sol au fur et à mesure, cherchant un endroit où il pouvait s’y poser sans causer trop de dégâts à la flore et ainsi réveiller des soupçons plus concrets. Il trouva une étendue à moitié vide au sein de la grande forêt - où il ne restait que des morceaux d’écorces, troncs détruits et bouffés par les grouillants. L'atterrissage fut un peu plus violent, mais plus ou moins mesuré. Lorsque les six pattes du dragon rejoignirent la terre, il plia les membres pour se rapprocher le plus possible du sol et faciliter la descente de l’Inquisiteur. Quelques secondes après, la forme fantastique s’évanouit, dévoilant les traits dénudés d’une femme pâle aux cheveux immaculés. Celle-ci expira une profonde bouffée par le nez et recracha cette dernière par la bouche, s’habituant de nouveau à cette lourdeur insidieuse qui était celle d’être emprisonnée dans une enveloppe qui n’était sienne.
« Nous ne sommes pas loin, glissa-t-elle. »
Holker voulait effleurer toujours plus de connaissance, de savoir. Il voulait s’approprier tout ce qui était possible de s’approprier. Il était aussi prudent qu’inconscient. Pour la première fois, Aerith était capable de, consciemment lui apporter quelque chose de nouveau, quelque chose que jamais dans sa vie il aurait espéré ou imaginer avoir entre ses serres charognardes. Un savoir unique que lui seul aurait en possession, qu’il pourrait garder jalousement. Un savoir qui comblerait d’une certaine façon sa paranoïa. Ils avaient marché un moment dans l’épaisse forêt nuevienne, dans cette végétation humide et interminable dans laquelle aucun chemin humain n’avait été creusé, dans laquelle on ne pouvait réellement se repérer. Aerith écartait les éléments qui parasitaient leur avancée, balayant le chemin pour son maître. Après un moment, la créature s’était arrêtée et avait balayée les feuilles qui se trouvaient sous ses pieds, creusa la terre et dévoila après un moment une épaisse trappe de bois. Elle l’ouvrit. dévoilant quelques escaliers s’enfonçant dans les profondeurs labyrinthiques du sol. Tenant la lourde trappe entre sa main, elle indiqua le chemin à Holker, l’intimant à descendre en premier les escaliers. Elle lui emboîta le pas après avoir camouflé à nouveau le morceau de bois avec la végétation.
Elle vint rapidement à bout des escaliers, arrivant à la hauteur de son maître. Ce lieu était une véritable galerie au plafond bas, creusée dans la terre avec un soin particulier. Le lieu se divisait en plusieurs ailes interminables aux contenus inconnus et qui sans doute ne devaient être dévoilés. On entendait cependant quelques hurlements, dans les tréfonds de la terre. Aerith se positionna devant son maître pour lui indiquer le chemin à suivre, parcourant un des couloirs en effleurant de ses doigts les épais cristaux rouges encastrés dans les murs des souterrains pour qu’ils s’illuminent d’une lueur tamisée et chaude. Après quelques minutes de marche, ils tombaient sur une immense pièce, plus haute et plus grande, meublée. Le dragon pénétra en premier pour allumer les cristaux avec le même mécanisme, éclairant alors l’endroit.
« Bienvenue. »
Il était chaud et confortable, meublé, s’étendant sur une superficie d’une centaine de mètre, peut-être un peu plus. Dans les murs étaient encastrées d’interminables étagères sur lesquelles étaient positionnés des livres, leurs états variables. Une source de savoir personnelle qui ne devait être entre les mains crochues des créatures de la surface. Une source de savoir basée sur les connaissances théoriques et pratiques du dragon sur plusieurs millénaires.
Au centre de la pièce, il y avait un immense cristal blanc plongé dans la terre, haut de plusieurs mètres et large d’une dizaine d’autres, ressource séculaire ayant perdu son éclat pour prendre des teintes grises. Aerith essayait de le corrompre depuis bien trop de siècles, elle n’avait d’ailleurs véritablement été capable de mener à bien ce processus, pour le moment.
Disséminé à divers endroits de la salle se trouvait un mobilier chaleureux - un bureau, quelques sofas çà et là, même un lit à baldaquin recouvert de coussins aux broderies anciennes, des tapis, des lampes à huile ayant prit la poussière. C’était un des endroits qui servait à Aerith de repère, là où elle travaillait son humanité, où elle emmenait ses enfants pour les faire sien, là où elle entreposait une partie de sa richesse, dans les profondeurs d’une aile plus éloignée que celle-ci. Elle se dirigea en direction d’une armoire, extirpant de cette dernière un peignoir en satin qu’elle glissa sur ses épaules, replia sur elle et noua la ceinture.
« Je pense qu’à part l’Inquisiteur Conquête, personne ne sera capable de déchiffrer nos mots, si je vous apprends ma langue. »
Aerith tapa deux fois dans ses mains, levant le ton en une sonorité étrange.
Trois créatures se dessinaient des ténèbres et apparurent à elle. C’étaient à première vue des chats d’une taille standard, qu’on pouvait associer à cette race féline ne possédant sur lui qu’un maigre duvet laissant dévoiler les plis disgracieux de sa peau mais également sa maigreur. Les chats possédaient six yeux, et sur leurs flancs semblaient avoir été fixé des cristaux blanc. Aerith se baissa, caressant les pelages de ses animaux, et examinant la couleur de leurs implants. Les cristaux encastrés sur deux des animaux avaient pris une teinte plus foncée, ce qui était une amélioration. Le dernier possédait toujours en lui la blancheur du minerai, et Aerith fronça les sourcils. De ses ongles, elle délogea de la créature les cristaux avant d’attraper cette dernière par la peau du cou, se relevant. Elle ouvrit la gueule, et engloutit le chat malgré ses hurlements et ses tentatives de se débattre. Poursuivant, elle s’essuya le coin de la bouche.
« J’avoue ne pas avoir suffisamment confiance pour amener mes ouvrages à la surface. Surtout à Ellgard. »
Elle observa Holker puis à nouveau ses chats, qui dévisageaient le corbeau avec méfiance. Souriant, elle vint se poser dans un des sièges, se délectant du confort qu’il lui apportait.
« Mais j’ai confiance en vous, et vous le savez, fit-elle en balayant les lieux d’un geste théâtral, dans ces étagères résident de nombreux ouvrages datant de Fhaedren, sur des sujets divers. Les anciens dieux, Ephraïm, ou la magie noire. Il y a également mes propres ouvrages datant de plusieurs millénaires, j’ignore s’ils sont véritablement intéressants. »
En lui dévoilant ceci, elle brûlait peu à peu son intimité. Bientôt, elle ne serait plus capable de lui cacher quoi que ce soit, et maintenant, elle ne pouvait lui cacher cet endroit. Ni cet endroit, ni les richesses qu’elle entreposait.
« C’est aussi chez vous désormais, monsieur. »
Elle se leva, et se dirigea vers son bureau. Sur celui-ci résidait une plume à l’extrémité tâchée d’encre, mais également une pile de livre à l’épaisseur relative. Aerith en ouvrit un, et glissa ses yeux dessus, un sourire aux lèvres.
« Quand vous m’avez dit que vous vouliez apprendre, je me suis dit qu’une trace écrite des...cours que je vous donnerai serait sans doute appréciable. Dans ces livres résident tout ce que vous avez à savoir sur mon langage, même si cela ne sera pas suffisant. »
C’était une langue qui était surtout parlée. Sa prononciation n’était pas humaine ; indicible pour un mortel, il fallait apprendre à mouvoir sa bouche et sa langue d’une façon différente. En soi, le vocabulaire n’était pas un souci. La grammaire non plus. L’orthographe, encore moins. Aerith redressa alors la tête, redressant derrière son oreille une mèche dissidente, jetant un regard au corbeau.
« Nous pouvons commencer maintenant, si vous le désirez. Que souhaitez-vous faire ? »
Ses yeux aveugles se dirigeaient enfin sur Fhaedren. Un continent dévasté, ravagé, calciné. Cela se voyait encore mieux de haut. De la hauteur, les soldats ellgardiens et meariens étaient similaires à des fourmis grouillantes en perpétuel mouvement. Cela faisait un moment que le conflit durait sans que rien ne bouge ; quand allait-elle enfin réussir à goûter à la satisfaction d’une terre totalement ravagée et possédée ? À présent, cela était son devoir, s’emparer de Fhaedren. Pas pour son accomplissement personnel et à vrai dire pas non plus pour l’Empereur, mais plutôt pour le corbeau. Toutes ses actions depuis de longs mois avaient été menée à contre courant de son égoisme, et avaient été effectuées pour son maître. Elle n’y réfléchissait même plus ; il lui était nécessaire en bien ou en mal et c’était une justification suffisante pour obéir à ses lubies, quelles qu’elles soient.
« Si vos soldats savaient que vous les observiez même d’en haut…, souffla-t-elle, sa voix monstrueuse s’échappant des tréfonds de sa gorge. »
Ses ailes s’agitaient dans l’air avec une fluidité chirurgicale. Ses tissus embrassaient l’air pour prendre de l’envol, puis ses membranes s’immobilisaient, caressées et portées par le vent. Son imposante stature abyssale se mouvait avec soin pour ne pas faire chuter le passager - sans doute unique créature capable de se servir d’elle comme monture - de son dos. Les secousses étaient belles et bien présentes, mais la selle épaisse et solide qui recouvrait ses écailles, presque encastrée dans son exosquelette suffisait à maintenir une stabilité, couplé à la bride fixée sur sa gueule menaçante, permettant à l’Inquisiteur d’orienter le dragon à sa façon et surtout grâce à l’obéissance relative de la bête. Cela faisait une heure qu’ils voyageaient en direction de Nueva et étaient proches de leur destination. À cheval ou à pieds, il fallait plusieurs jours pour traverser Ellgard et pénétrer le territoire nuevien, davantage encore si on partait de Fhaedren. Mais l’envergure et la puissance du dragon lui permettait de se rendre à un point à un autre bien plus rapidement que les mortels ; quelques heures à peine suffisaient pour rejoindre Nueva, et moins d’un jour pour voler jusqu’à Akantha. Ici, le voyage était nécessaire.
Alors que sous eux ne se trouvait que les masses difformes des conifères, Aerith perdit en altitude, ses yeux aveugles visualisant l’endroit qu’elle voulait rejoindre. Le violent bruit de ses ailes et sa forme obscurcissant le sol avaient sans aucun doute attiré l’oeil curieux des elfes, mais ils n’étaient capable de poser mot sur ce qu’ils pensaient avoir vu. La forme draconique se rapprochait du sol au fur et à mesure, cherchant un endroit où il pouvait s’y poser sans causer trop de dégâts à la flore et ainsi réveiller des soupçons plus concrets. Il trouva une étendue à moitié vide au sein de la grande forêt - où il ne restait que des morceaux d’écorces, troncs détruits et bouffés par les grouillants. L'atterrissage fut un peu plus violent, mais plus ou moins mesuré. Lorsque les six pattes du dragon rejoignirent la terre, il plia les membres pour se rapprocher le plus possible du sol et faciliter la descente de l’Inquisiteur. Quelques secondes après, la forme fantastique s’évanouit, dévoilant les traits dénudés d’une femme pâle aux cheveux immaculés. Celle-ci expira une profonde bouffée par le nez et recracha cette dernière par la bouche, s’habituant de nouveau à cette lourdeur insidieuse qui était celle d’être emprisonnée dans une enveloppe qui n’était sienne.
« Nous ne sommes pas loin, glissa-t-elle. »
Holker voulait effleurer toujours plus de connaissance, de savoir. Il voulait s’approprier tout ce qui était possible de s’approprier. Il était aussi prudent qu’inconscient. Pour la première fois, Aerith était capable de, consciemment lui apporter quelque chose de nouveau, quelque chose que jamais dans sa vie il aurait espéré ou imaginer avoir entre ses serres charognardes. Un savoir unique que lui seul aurait en possession, qu’il pourrait garder jalousement. Un savoir qui comblerait d’une certaine façon sa paranoïa. Ils avaient marché un moment dans l’épaisse forêt nuevienne, dans cette végétation humide et interminable dans laquelle aucun chemin humain n’avait été creusé, dans laquelle on ne pouvait réellement se repérer. Aerith écartait les éléments qui parasitaient leur avancée, balayant le chemin pour son maître. Après un moment, la créature s’était arrêtée et avait balayée les feuilles qui se trouvaient sous ses pieds, creusa la terre et dévoila après un moment une épaisse trappe de bois. Elle l’ouvrit. dévoilant quelques escaliers s’enfonçant dans les profondeurs labyrinthiques du sol. Tenant la lourde trappe entre sa main, elle indiqua le chemin à Holker, l’intimant à descendre en premier les escaliers. Elle lui emboîta le pas après avoir camouflé à nouveau le morceau de bois avec la végétation.
Elle vint rapidement à bout des escaliers, arrivant à la hauteur de son maître. Ce lieu était une véritable galerie au plafond bas, creusée dans la terre avec un soin particulier. Le lieu se divisait en plusieurs ailes interminables aux contenus inconnus et qui sans doute ne devaient être dévoilés. On entendait cependant quelques hurlements, dans les tréfonds de la terre. Aerith se positionna devant son maître pour lui indiquer le chemin à suivre, parcourant un des couloirs en effleurant de ses doigts les épais cristaux rouges encastrés dans les murs des souterrains pour qu’ils s’illuminent d’une lueur tamisée et chaude. Après quelques minutes de marche, ils tombaient sur une immense pièce, plus haute et plus grande, meublée. Le dragon pénétra en premier pour allumer les cristaux avec le même mécanisme, éclairant alors l’endroit.
« Bienvenue. »
Il était chaud et confortable, meublé, s’étendant sur une superficie d’une centaine de mètre, peut-être un peu plus. Dans les murs étaient encastrées d’interminables étagères sur lesquelles étaient positionnés des livres, leurs états variables. Une source de savoir personnelle qui ne devait être entre les mains crochues des créatures de la surface. Une source de savoir basée sur les connaissances théoriques et pratiques du dragon sur plusieurs millénaires.
Au centre de la pièce, il y avait un immense cristal blanc plongé dans la terre, haut de plusieurs mètres et large d’une dizaine d’autres, ressource séculaire ayant perdu son éclat pour prendre des teintes grises. Aerith essayait de le corrompre depuis bien trop de siècles, elle n’avait d’ailleurs véritablement été capable de mener à bien ce processus, pour le moment.
Disséminé à divers endroits de la salle se trouvait un mobilier chaleureux - un bureau, quelques sofas çà et là, même un lit à baldaquin recouvert de coussins aux broderies anciennes, des tapis, des lampes à huile ayant prit la poussière. C’était un des endroits qui servait à Aerith de repère, là où elle travaillait son humanité, où elle emmenait ses enfants pour les faire sien, là où elle entreposait une partie de sa richesse, dans les profondeurs d’une aile plus éloignée que celle-ci. Elle se dirigea en direction d’une armoire, extirpant de cette dernière un peignoir en satin qu’elle glissa sur ses épaules, replia sur elle et noua la ceinture.
« Je pense qu’à part l’Inquisiteur Conquête, personne ne sera capable de déchiffrer nos mots, si je vous apprends ma langue. »
Aerith tapa deux fois dans ses mains, levant le ton en une sonorité étrange.
Trois créatures se dessinaient des ténèbres et apparurent à elle. C’étaient à première vue des chats d’une taille standard, qu’on pouvait associer à cette race féline ne possédant sur lui qu’un maigre duvet laissant dévoiler les plis disgracieux de sa peau mais également sa maigreur. Les chats possédaient six yeux, et sur leurs flancs semblaient avoir été fixé des cristaux blanc. Aerith se baissa, caressant les pelages de ses animaux, et examinant la couleur de leurs implants. Les cristaux encastrés sur deux des animaux avaient pris une teinte plus foncée, ce qui était une amélioration. Le dernier possédait toujours en lui la blancheur du minerai, et Aerith fronça les sourcils. De ses ongles, elle délogea de la créature les cristaux avant d’attraper cette dernière par la peau du cou, se relevant. Elle ouvrit la gueule, et engloutit le chat malgré ses hurlements et ses tentatives de se débattre. Poursuivant, elle s’essuya le coin de la bouche.
« J’avoue ne pas avoir suffisamment confiance pour amener mes ouvrages à la surface. Surtout à Ellgard. »
Elle observa Holker puis à nouveau ses chats, qui dévisageaient le corbeau avec méfiance. Souriant, elle vint se poser dans un des sièges, se délectant du confort qu’il lui apportait.
« Mais j’ai confiance en vous, et vous le savez, fit-elle en balayant les lieux d’un geste théâtral, dans ces étagères résident de nombreux ouvrages datant de Fhaedren, sur des sujets divers. Les anciens dieux, Ephraïm, ou la magie noire. Il y a également mes propres ouvrages datant de plusieurs millénaires, j’ignore s’ils sont véritablement intéressants. »
En lui dévoilant ceci, elle brûlait peu à peu son intimité. Bientôt, elle ne serait plus capable de lui cacher quoi que ce soit, et maintenant, elle ne pouvait lui cacher cet endroit. Ni cet endroit, ni les richesses qu’elle entreposait.
« C’est aussi chez vous désormais, monsieur. »
Elle se leva, et se dirigea vers son bureau. Sur celui-ci résidait une plume à l’extrémité tâchée d’encre, mais également une pile de livre à l’épaisseur relative. Aerith en ouvrit un, et glissa ses yeux dessus, un sourire aux lèvres.
« Quand vous m’avez dit que vous vouliez apprendre, je me suis dit qu’une trace écrite des...cours que je vous donnerai serait sans doute appréciable. Dans ces livres résident tout ce que vous avez à savoir sur mon langage, même si cela ne sera pas suffisant. »
C’était une langue qui était surtout parlée. Sa prononciation n’était pas humaine ; indicible pour un mortel, il fallait apprendre à mouvoir sa bouche et sa langue d’une façon différente. En soi, le vocabulaire n’était pas un souci. La grammaire non plus. L’orthographe, encore moins. Aerith redressa alors la tête, redressant derrière son oreille une mèche dissidente, jetant un regard au corbeau.
« Nous pouvons commencer maintenant, si vous le désirez. Que souhaitez-vous faire ? »