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Lost Kingdom  :: Akantha :: Le palais royal

Les prémisses d'une promotion [PV Linia Maeryll]

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Certains seraient intimidés. D’autres, comme Rika, sont plutôt excités par l’émerveillement que procure cette vision. Et ce malgré la pluie battante qui la mouille jusqu’aux os.

Face au Palais Royal du Royaume d’Akantha, la jeune femme n’a qu’une envie… c’est d’entrer. Elle se rappelle cependant ses précédents déboires, lorsqu’elle avait voulu pénétrer dans le Sanctuaire des Astres et qu’on lui avait refusé l’accès… pour une cause qu’elle ne s’explique toujours pas d’ailleurs. Pas entièrement en tout cas… mais le résultat est là : ses nombreux efforts sont restés vains. En guise de visite, Rika a dû se contenter de contempler des peintures, des tableaux mornes, maussades, dépourvus de vie censés représenter les lieux. Maigre lot de consolation pour celle qui se voyait déjà gambader au milieu d’une structure paradisiaque.
Aujourd’hui invitée dans ce pays étranger, accompagnant l’actuel Prêtre de l’Humilité pour une petite réception en l’honneur de ses 100 ans, elle sait que les portes de ce Palais lui seront grandes ouvertes. Pas de fausses joies, aucun regret : ce sera du bonheur à l’état pur, sans fioriture.

Vêtue de son large manteau, tête découverte, Rika patiente calmement devant la grille. Derrière elle, le petit cortège reste à l’abri dans la carriole. Ils sont quatre à avoir pris part à ce voyage : le prêtre Mossar Von Traterrian, le Magister Mariàn Valgoghnar, et deux des prétendantes à la succession du prêtre, Mischa Eoldine et Rika Eriézaké. Que des noms à dormir debout…
Chacun des protagonistes a apporté sa contribution au bon déroulement de l’opération. Rika s’est occupée des chevaux, les nourrir et les guider. Mischa a pris soin du vieil homme. Monsieur Valgoghnar a sécurisé les alentours de la charrette… même s’il semblait plus occupé à discuter avec ses deux collègues féminines, les inondant de blagues salaces pas drôles. Enfin, le vieux prêtre a récité des prières et apporté bonne fortune au convoi. Tout s’est déroulé sans encombre jusqu’ici, les voilà prêts à pénétrer dans la demeure luxurieuse et… à célébrer.

- Bonjour ! fait une Rika enjouée aux gardes qui daignent finalement s’approcher, voyant que la pluie ne faiblit pas et qu’il faudra bien se résoudre à accueillir ces étrangers. Monseigneur Mossar Von Traterrian de Mearian vient d’arriver pour la célébration.
- Qui ça ?
- Vous pouvez prouver votre identité ?
- Et vous, vous êtes qui ?
- Euh… Rika Eriézaké, prétendante à sa succession. J’assiste à la cérémonie pour apprendre, pour me former. Monseigneur a été invité par un ami de longue date, vous n’avez pas été prévenu ? Peut-être qu’il pourrait venir pour l’identifier ?
- Sous cette pluie battante ? Je crois que vous rêvez un peu. Je vais aller voir ce que je peux faire, attendez ici.

Deux gardes restent tandis que la troisième prend le large. Avec ces trombes d’eau qui tombent, ce sera bientôt à prendre au sens propre comme au figuré… mais encore une fois, Rika ne semble aucunement dérangée par cette météo capricieuse, contrairement au reste du monde. Si jamais elle tombe malade, gage qu’elle sera cependant fortement grondée par sa sœur de cœur, Eloenne.

- Allons, dame Rika ? questionne le vieux prêtre sous la charrette. Un problème ?
- Non non monseigneur, on vient nous ouvrir très bientôt !

Bientôt, on confirme effectivement qu’ils sont invités et qu’ils peuvent entrer. Rika saisit les rênes et guide les chevaux dans la cour, jusqu’à un bâtiment… un peu à l’écart. On leur indique que c’est ici que se dérouleront les festivités. Où était l’erreur cette fois ? Encore une désillusion : ce n’est pas aujourd’hui que Rika visitera le grand Palais. Tant pis, ce sera cette annexe… au fond, ce n’est pas si mal que ça.
Mischa et le vieil homme sortent et « accourent » vers l’entrée du bâtiment. Monsieur Valgoghnar les talonne, son regard méfiant et affuté ne quittant pas une seule seconde la silhouette de la miss le précédent. Enfin, Rika pénètre dans la salle à son tour… et tombe des nues devant ce décor enchanteur. C’est une salle de banquet lumineuse, radieuse, qui contraste totalement avec la grise mine extérieure. Une dizaine de personnes sont présentes, dont des danseuses – ou des nonnes, allez savoir, c’est d’un goût assez condamnable – ce qui semble être des gardes et des chevaliers, ainsi que l’hôte, et quelques visages plus doux, de civils sans aucun doute.

Alors que l’accueil chaleureux et les embrassades font rage entre tout ce beau monde, Rika, après une courte révérence envers leur hôte, s’éclipse déjà vers la cheminée. Trempée qu’elle est, de la tête aux pieds, elle ferait mieux d’apprécier la chaleur d’un bon feu avant de satisfaire son estomac. Celui-ci élève déjà quelques protestations, dont elle n’a cependant cure. La jeune femme dévêt son large manteau, retire la fleur de lys et la broche de ses cheveux, puis elle essore légèrement ses vêtements pour les désengorger d’eau un maximum. Regardant autour d’elle, Rika comprend que personne ne lui apportera de quoi se sécher un peu… alors c’est près du feu qu’elle va rester pour le moment, le temps d’être à nouveau présentable… et « attablable ».

Parmi les invités, qu’elle observe comme une élève qui voudrait appliquer une leçon apprise, elle ne voit quasiment que des gens de la haute société, ces « nobles » dont elle entend si souvent parler. Ils n’ont pas l’air différents de ceux qu’on trouve en Mearian. Il y a aussi cette petite fille, blonde, qui semble toute timide. Elle regarde Rika, Rika la regarde… et lui sourit en lui faisant un coucou de la main. Salutation rendue. Ces étrangers ont l’air charmants, pas de quoi s’inquiéter.
Les prémisses d'une promotion [PV Linia Maeryll] 25s_by10


Faisant partie de l'âme de Famine, elle se devait d'assister régulièrement aux voyages plus ou moins risqués des autres diplomates. En général, on ne lui demande d'intervenir qu'en cas de négation. Plus précisément, elle avait créé cet état : si, dans une discussion, quelqu'un ne se focalise qu'à trouver les mauvais points d'une argumentation, d'un échange de bons procéder ou même d'un simple palabre, il peut ainsi faire ressortir tout les bon coté restant et faire croire qu'ils viennent directement du partie adverse. Un négateur, un parfait exemple du génie Ellgardien, l'une des choses dont elle est le plus fière. Avoir un avis négatif purement contemplatif, être la pierre qui fait onduler le bassin des diplomates. Et le plus amusant, c'est que peu des diplomates de son groupe étaient au courant de cette tactique. Pour la majorité, elle était une militaire qui avait réussit un coup de maître, sans avoir réellement de talent dans la politique, martelant du poing sur la table pour établir séance tenante les termes d'un chantage militaire. Certains remettaient même en cause, à chaque "procession" diplomatique, la légitimité de Dame Maeryll à faire partie intégrante du groupe. Les plus hauts placés avaient sûrement leur raison que la logique ignore, pensaient les autres.

Pourtant, la Chouette d'Ellgard se tenait là, dans sa banquette, partageant le même confort de voyage que ses 7 comparses, étant réparti de la sorte : une voiture, quatre diplomates, entouré par huit chevaliers, deux à l'avant pour tenir les chevaux, six à cheval individuel, soit deux gardes par diplomate. C'est ainsi que les deux voitures avançaient jusqu'au palais, leurs carrosseries brandissant fièrement les couleurs de l'Empire, les drapeaux flottant aux vents. Linia s'était assoupi quand un de ses gardes personnels, autorisés à les accompagner, frappa contre la petite vitre du carrosse, la faisant sortir de sa torpeur avec un petit juron. Les trois autres diplomates conversaient comme depuis le début du voyage, intarissable sur leurs sujets favoris : eux-mêmes. Elle leur jeta un regard en coin, puis décala l'épais tissus servant de rideau pour décaler la vitre, écoutant ce qu'on lui murmurait.

-"Par une étrange coïncidence, ce jour même, un membre du palais royal reçoit des religieux de Maerian."

Elle sourit en coin. Les relations entre l'Empire et la Cour des Cendres sont au plus mal, même si cette dernière refuse encore d'assister son allié militairement. Le fait qu'elle est acceptée une venue diplomatique n'est pas forcément inhabituel, mais cela fini inlassablement par des portes qui claquent, un retour maison sans grande avancé et des menaces à peine voilées des deux parties. Si en plus Maerian était de la partie, ce serait une visite peine perdue et ils repartiraient d'ici une heure ou deux sur leurs navires. Elle trouvait déjà idiot le fait de descendre des lourds navire de transport à cheval, alors en calèche, mais soudainement cela lui allait. Monter les rues pour les redescendre à pieds dans quelques heures aurait mit sa patience à rude épreuve, en entendant les diplomates se plaindre en plus.

En parlant de rue, elle regarda pour la première dehors : pluie battante, peu de gens étaient sortie... ou bien était-ce la présence de l'Empire dans leur ville ? Pas de tomate ni autre fruit et légumes n'étaient jetés, pas de crachat au sol. Les archaïques n'étaient visiblement plus au stade d'inutilement se fatiguer à jeter tout objet à porté sur les uniformes blanc et noir de l'armée Impérial. Ou bien était-ce cette fois l'inverse : la pluie les dissuadait de le faire ? Dans tous les cas, elle rabattit le rideau pour se renfermer dans la chaleur de la carriole, jusqu'à atteindre le palais. Une fois fait, elle ouvrit la porte et descendit, enfilant son tricorne à plumeau blanc sur la tête. Elle portait un long cache-poussière noire en dessous duquel une magnifique veste grise au fil d'argent tressé le long des boutonnières, des gants d'escrimeuse en cuirs noir, un pantalon en lin noir par-dessus duquel elle avait installé des jambières de cuir... noires elles aussi et enfin des bottes noires. Elle tenait sa canne dans une main, mais n'en posait pas le bout sur le sol humide. Immédiatement, ses deux hommes personnels l'entourèrent : l'un était un simple filou qu'elle avait recruté pour ses talents à dégoter les meilleurs infos, habillée d'un manteau marron et une tenue faisant plus pensé à un trappeur des montagne qu'un soldat, l'autre était une femme de grande taille, une sorte de mélange entre un barbare et un ours, ou bien est-ce l'ours qui avait mélanger son sang à une barbare ? Qui sait. Elle était utile, car elle dissuadait souvent les gens de l'approcher, même avec son uniforme de soldat impérial comme actuellement. Lui s'appelait Thonius, elle Belquin.

Ils ne furent pas accueillis, simplement juger par les gardes dédaigneux alors qu'ils avancèrent avec leur groupe. Un des diplomates se tourna vers Maeryll et pesta :

-"Laissez vos chiens à la niche, gourde."

Linia plongea simplement son regard d'or dans celui d'un bleu impérial de l'homme. Une simple poussée de son esprit et elle lui raviva immédiatement le souvenir de la peur. Il préféra alors détourner le regard, se sentant étrangement apeuré sans raison. On leur indiqua de donner leurs armes, ce qu'ils firent. Thonius sortit les petites dagues qu'il cachait un peu partout. Un véritable lanceur. Belquin posa la lourde hallebarde dans les mains du garde le plus grand. Linia sortie son épée longe de son fourreau et la cala dans la main d'un autre garde et poursuivit son chemin... enfin, elle l'aurait poursuivi si on ne l'avait pas arrêté avec une lance devant le visage. Le bois était si près de ses yeux qu'elle pouvait en voir les fêlures.

-" Vos armes... toutes."

Elle regarda ce qu'il pointait et fronça les sourcils.

-" Ce n'est qu'une canne. J'ai mal à la jambe et j'en ai besoin. Je vais avoir du mal à tuer qui que ce soit avec. "

Elle leva sa canne, montrant la tête de chouette au bout, fixant le garde qui se sentit soudain mal à l'aise. Rien à voir avec ses capacités, il se rendait juste compte à quel point le visage et les yeux de la diplomate ressemblait à celui de ses oiseaux de proie. Elle sourit en coin et avança pour entrer. Elle vit alors un attelage, clairement pas Akanthien, et se mordit la lèvre inférieure. Thonius et Belquin la sentir bifurquer vers l'autre bâtiment et la suivirent. Elle n'était pas sûre d'être autorisée à aller voir ce qui se tramait, mais une chose était claire : les diplomates ne seraient pas reçu avant une heure. C'était une technique pour mettre à bout les nerfs des Ellgardiens souvent employés par Akantha... ou bien faisait-elle ça à chaque délégation, qui sait ? Elle pouvait donc perdre un peu de temps là-bas. Elle s'approcha de la bâtisse et la contempla un moment. C'est donc comme ça que les puissances incapables d'assumer la différence avec la grande et puissante Ellgard tentaient vainement de s'afficher; par des architectures complexes et esthétique plutôt que pratique et fonctionnelle ? Amusant.

Elle frappa la pierre du sol deux fois de sa canne, ce qui déclencha un soupir d'agacement du coté de Thonius, rien de celui de Belquin. Ils s'ouvrirent les lourdes portes et leur maîtresse entra, majestueuse, un visage souriant et pourtant menaçant pour quiconque aurait l'audace d'y attarder son regard plus de quelques secondes. Le long silence qui suit son entrée indique le fait qu'elle n'était clairement pas désirée, des sourcils se fronçant, des murmures parcourant l'assemblée. Elle retira le couvre-chef et fit une belle courbette, avant de se redresser. Elle en oubliait presque le fait que derrière elle, ses deux hommes de main se tenait bien droit devant les portes en les refermant. Est-ce un oubli de protocole d'avoir fait ouvrir les deux morceaux de bois et de fer forgé qui forment ensemble la porte de cet édifice ? Non le simple fait de se considérer tout aussi importante qu'un Seigneur. Elle jeta négligemment son tricorne derrière elle, qui fut rattraper par Thonius, soupirant encore une fois. Voilà qu'il était porte-chapeau maintenant. Elle secoua son long manteau pour en laisser tomber les gouttes sur le sol. Sa médaille d'officier Impérial brillait de mille feux.

-" Mes "amis", je vous souhaite la bonne fortune de vos dieux, j'espère ne pas vous déranger ? " Elle ne laissa personne répondre : "Tant mieux."

Elle saisit une pomme en marchant le long des tables et croqua dedans. Chacun de ses pas étaient ponctués par le claquement métallique de sa canne sur le sol. Ses yeux parcouraient l'assemblée. Elle pouvait voir la lourde colère de l'hôte, le calme serein d'un vieillard qui n'avait plus l'envie de s'emporter pour des provocations Ellgardiennes et comprit rapidement qu'ils étaient les deux vrais maîtres de cette sauterie.

-"Je me présente, je suis Dame Maeryll, Lieutenant de l'armée Impérial rattaché à la Famine... l'Inquisition bien évidemment, pas l’attrition."

Comme pour souligner ce dernier point, elle lâcha la pomme qu'elle avait dévorer en quelques coups de dents tomber dans une corbeille vide de tout aliment. Elle finit par atteindre le Seigneur et le vieux Prêtre. Elle les regarda un par un, avant de s'agenouiller devant le vieillard, baissant la tête. Elle venait de lui offrir le plus beau cadeau qu'une Ellgardienne pouvait offrir à un ennemi : son respect. En effet, l'homme n'avait pas cherché à mentir, à cacher sa colère, car il ne l'était pas. Elle ne respectait guère les hommes sans honneur, sans valeur et les menteurs, comme les Seigneurs le sont pour la plupart. Elle se releva et regarda le vieil homme dans les yeux, un sourire honnête et une voix claire et limpide.

-"Je suis désolé d'être votre ennemie qui entre par la porte, mais vous comprendrez qu'entre attendre une heure dans une salle vide avec mes compatriotes qui, je suis sûre que vous partagerez mon opinion, ne sont pas d'une très compagnie, et tenter d'avoir un peu de chaleur humaine, je préfère la seconde option. Et puis, je suis en guerre contre votre nation, pas vous directement. Que fêtez-vous ?"

Nous y voilà. Le moment décisif. Elle serait soit sortie par des gardes dans quelques secondes, soit accueillit avec beaucoup de retenu par le Seigneur Akanthien. Cependant, quelque chose dans son regard toujours plongé dans celui du vieil homme lui fit dire qu'elle pourrait certainement rester. Ses pupilles se dilataient d'un amusement sincère et elle pouvait sentir la tension palpable dans l'air. Tous attendaient de savoir la décision du Prêtre, importante figure dans la religion archaïque de ses hommes et femmes.
Au moment où cette femme entre, l’ambiance change du tout au tout. Comme si l’humidité de l’air avait soudainement augmenté… comme si la température s’était rafraichie… comme si le vent s’était levé… comme si les couleurs flamboyantes de la pièce s’étaient atténuées, ternies, transformant une salle de banquet chatoyante en… banal espace de vie.

Le bruit de ses pas résonne dans la salle, suivi du fracas de ses mâchoires déchirant un fruit. Pourtant, ces sons sont quasiment inaudibles à cause des trombes d’eau qui tombent dehors… mais force est de constater que tous les sens sont en éveil.
Plus personne ne fait la fête, tout le monde observe silencieusement la jeune intruse et ses deux complices. Tout le monde a froncé les sourcils, tout le monde s’est mis sur ses gardes, tout le monde est sur le qui-vive… tout le monde sauf Rika. Très calmement, interrogative, elle regarde tour à tour Linia, ses propres compagnons de route, leurs hôtes, puis Linia à nouveau, comme si leur expression allait lui apporter des réponses sur ce qui est en train de se passer ici. Cette femme, tout de noir vêtue, ne semble pas leur inspirer confiance. Elle a pourtant été très respectueuse, parlant « d’amis », d’être « désolée d'être une ennemie » et de venir chercher « un peu de chaleur humaine »… n’est-ce pas bon signe ? Et cette soumission devant l’autorité alors, n’est-ce pas un pas vers le respect, le rassemblement, la paix ?

Alors que le vieil homme se redresse grâce à sa propre canne et s’apprête à répondre, une ombre se dresse entre lui et Linia. Une ombre à la chevelure de feu, vêtue d’une longue robe de Prêtresse décorée aux couleurs et motifs de son pays, Mearian. Une femme de la même taille que la Lieutenant ennemie, à laquelle elle fait face, fière. Et hautaine.

- Grâce à ses prières et son dévouement envers les Dieux, Son Excellence, monseigneur Mossar Von Traterrian, a obtenu une longévité hors normes pour un humain : nous fêtons aujourd’hui son 100ème anniversaire ! s’exclame-t-elle. Avant de lancer la remarque suivante, elle pose ses mains sur ses hanches, essayant de montrer son assurance et d’intimider celle qui lui fait face. Ce n’est sûrement pas un âge que vous pourrez atteindre, vous, une sale vipère de l’Empire.

La jeune femme conclut cette tirade d’un coup d’œil vers le Prêtre, sourire aux lèvres.
Rika cligne des yeux à répétition. Ce n’est pas compliqué à comprendre : Mischa Eoldine ne cherche qu’à impressionner le vieil homme pour obtenir ses faveurs et son poste. Elle utilise Dame Maeryll pour parvenir à ses fins, se fichant éperdument des règles de bienséance et du respect que cette dernière avait adressé au groupe. À moins que… ce soit la manière habituelle de traiter les gens de l’Empire ? Rika n’en a aucune idée… c’est la première fois qu’elle rencontre une habitante d’Ellgard. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle serait bien incapable d’imiter un tel comportement. Si c’est un caractère nécessaire, elle ne risque pas de toucher du doigt la prêtrise avant un bon moment… si tant est qu’elle la touche un jour.

- Mischa, s’il vous plait, fait le vieil homme, après avoir posé sa main sur l’épaule de la susnommée, lui priant de s’écarter.
- Bien Excellence, répond Mischa. Je vous laisse vous occuper de cette mécréante.

La jeune femme lui adresse une révérence exagérément plus respectueuse que ce qu’a pu faire Linia précédemment, préférant l’extravagance à la contenance. Elle se déplace légèrement, tout en restant aux côtés du Prêtre, et croise les bras tout en gardant son sourire aux lèvres, se sentant victorieuse.
Et Rika dans tout ça ? Elle n’a toujours pas bougé, se sentant pour l’instant… exclue. Son moment viendra sûrement, mais plus tard. Intuition. Instinct. D’ici-là, mieux vaut rester près du feu, se sécher, se réchauffer, et prêter une oreille attentive aux sages paroles de son supérieur, un vieil homme avec un riche vécu.

- Dame Linia Maeryll si je me souviens bien, il me semble que je vous ai déjà rencontrée. Vous êtes la bienvenue, commence-t-il, sous le regard finalement horrifié et réprobateur de Mischa. Nous souhaitions nous revoir, mon ami et moi : cette fête est un prétexte pour nous permettre de nous retrouver un moment ici, et partager les souvenirs. Je n’imaginais pas que nous accueillerions une invitée d’exception. Nous parlons du passé… mais peut-être êtes-vous ici pour que nous parlions de l’avenir ?

Le vieil homme, sentant le poids des années, s’assoit finalement. Il tourne les yeux vers Rika et lui adresse un signe de tête ; aussitôt, la jeune femme se lève, attrape une chaise, accourt presque jusqu’à eux et dépose l’objet en face du Prêtre. Puis, d’un sourire franc, d’un regard bienveillant et d’un signe de main cordial, elle indique à la lieutenante de s’asseoir.

- Je vous en prie, prenez place Dame Maeryll !

« Parler avenir » avec un vieil homme qui n’en a plus pour très longtemps… est-ce vraiment pertinent ? Il peut dire ce qu’il veut, ce n’est pas lui qui assumera les conséquences plus tard… et c’est ce que semble penser Mischa, qui prend une chaise à son tour et s’assoit à la droite du Prêtre, avec la ferme intention d’intervenir à chaque fois que le moment se présentera. Rika, elle, reste debout derrière le siège qu’occupera Linia… puis elle fera un pas de côté, le cas échéant, pour ne pas stresser leur invitée. Personne n’est à l’aise avec un ennemi dans le dos.
Discrètement, le Magister s’est également approché, se méfiant des deux accompagnateurs plutôt que de l’attroupement de négociateurs. Un cigare à la bouche, la tête penchée en avant, son couvre-chef masque son regard. Si la tension monte ne serait-ce que d’un cran, il ne doute pas que ces individus sortiront des armes d’on ne sait où… ce sera alors à lui de calmer leurs ardeurs. Son attention n’en reste pas moins très portée sur les trois demoiselles.
Un vague mouvement de la main et un son sortie entre les dents et sa langue plaquée contre le palais, comme un maître-chien faisant taire ses bêtes, c'est la seule chose que reçoit ce dérangeant moustique qui bourdonne aux oreilles de la chouette. Le son se rapproche d'ailleurs assez bien de celui d'un bec qui claque. Son regard ne se tournant même pas vers cette pauvre idiote, elle marque le début d'un jeu auquel elle est devenue experte : ignorer les nuisances. Un jeu des plus répandu à la cour Impériale. Les gens sont d'un ennui et capable d'agacer avec une fulgurance lorsqu'ils sont en manque d'importance, qu'ils aimeraient être ce qu'ils ne sont pas, des personnes intelligentes, sage ou talentueux et compose donc avec ce que tout le monde peut faire, l'extravagance, l'exagération et un déni total de la réalité, si bien que cela en devient anodin alors que le but des personnes agissant de la sorte est justement d'être unique.

Elle regarde toujours le vieil homme, de ses yeux perçants, analysant ce qu'elle voit. Un vieillard trop sage pour chercher la querelle, trop vieux pour penser à son avenir et trop intelligent pour ignorer celui des autres. Une personne respectable en somme, bien loin de beaucoup d'autres membres imminents ou ayant un peu d'importance et l'exposant aux yeux de tous. Des qualités rare, qui ne sont pas l’apanage de tous les vieilles personnes, non, seulement de celles qui les raffinent et finissent par en faire leur naturel.

Elle s'assoit, et dans sa manière de le faire, on sent les années d'un soldat vétéran couplé à la grâce d'une personne habituée à se donner en spectacle. En effet, avant même que la jeune fille place correctement la chaise, elle était déjà entrain de se pencher pour prendre place sur le siège, venant s'y loger à la seconde même où ce dernier est correctement en place. Elle n'a pourtant pas regardé derrière elle, montrant que même là où ses yeux ne sont pas, elle reste aux aguets des mouvements et des bruits et ses jambes croisée légèrement de coté pour pouvoir placer sa canne au centre, ses deux mains poser sur le pommeau impose une présence digne d'une comtesse dans son propre domaine.

-" Un avenir que vous ne verrez pas et vous le savez. C'est donc ironique que ce soit vous qui en lanciez le sujet, alors que ce serait plutôt à votre hôte d'en faire son principal problème. Il est facile de deviner qu'Akantha et Ellgard n'auront comme avenir commun que la guerre si les relations se détériorent, hors notre passé ne serait qu'une raison de dissension. Pourtant, c'est un Maerien qui en parle, une seconde ironie. Enfin, c'est ce qui arrive aux monarchies instables : penser que l'avenir est déjà écrit."

Son regard se tourne enfin vers le lord éminent qui invite un prêtre vieillissant dans un palais magnificent pour se montrer important. Une simple seconde suffit à montrer mépris de l'Ellgardienne. Si Linia pouvait respecter ses ennemies, elle est cependant réputée pour être impitoyable, certains diraient cruelle et ce regard à lui seul justifiait cette réputation. Aucun doute que si Akantha devenant l'ennemie d'Ellgard et qu'elle se retrouverait face à cet homme, elle le tuerait avec un sang-froid à en faire jalouser les reptiles. Puis elle revint sur le vieillard en se penchant en arrière dans son siège, montrant une posture démontrant un calme et une sérénité à toute épreuve.

Ce qui ne manque certainement pas d'être remarqué par toute l'assemblée, c'est la manière dont Linia ignore royalement presque tout ce qui entoure le vieux prêtre et elle en dehors de quelques regards parfois, alors que plusieurs paires d'yeux sont concentrés sur eux. Pour certains, c'était sûrement plus déroutant que d'affronter son regard, car cela leur rappelait un fait des plus désagréable : ils ne sont pas le centre de l'univers et doivent admettre l'importance de cet homme âgé en bout de course si ce n'est aussi celui de cette intruse à la langue plus acérée qu'une dague. Mais c'est aussi le tableau irréaliste qui se déroule sous leurs yeux. Un Officier Impériale et un Prêtre de l'Ordre discutant face à face avec, au minimum, un respect mutuel et une sorte de compréhension de l'autre. Personne ne voudrait rater un spectacle pareil dans la salle.

-" Malgré tout, nous sommes effectivement venu parler de l'avenir entre Ellgard et Akantha, bien que ce ne soit qu'une danse bien répétée : Akantha nous rappelant être vos alliées, mais ne participant pas activement à l'effort de guerre, Ellgard considérant de facto qu'elle est donc un ennemie probable et cherchant à calmer alors la vision que peux avoir le Royaume de l'Empire, Akantha ne changeant pas d'avis et nous repartant dans... quelques heures avec notre flotte vers nos contrées... "

De l'autre coté de la pièce, Thonius fait tourner le tricorne au bout de son doigt, l'air distrait, bien que sa maîtresse sache précisément qu'au moindre mouvement suspect, il transformerait le moindre couvert en projectile précis et fulgurant. C'est pour sa qualité de "passe-partout" et sa précision qu'elle l'a choisi après tout. Capable de presque deviner les personnes les plus faibles, pour diverses raisons. Il fit un simple signe de la main gauche, sur laquelle une pièce glissait sur chaque phalange au magister. Pour ce qui est de Belquin, la grande guerrière n'avait pas vraiment fait attention à la présence de ce dernier protagoniste. Elle devait lui accorder peu d'importance. Elle se tenait simplement droite, mains dans le dos, une position de soldat banal. Elle est sûrement la moins dangereuse des deux sur pleins d'aspects, cependant elle est intelligente, perspicace et fort comme un bœuf. Nulle doute qu'elle serait capable de renverser la majorité des hommes sur son chemin pour protéger Linia de son corps. Le plus amusant dans tout ça ? C'est que son visage fait penser à celui d'une jolie jeune femme, en contradiction avec son corps.

-"... et mon avis sur la question, c'est qu'avant de faire justice et de vaincre Maeria, en réalité il faudra sûrement mettre à feu et à sang Akantha, car vous ne plierez jamais le genou devant l'Empire, ni n'accepterez réellement de rester sagement à votre place quand le conflit ouvert sera porté directement sur le territoire Maerien, pas vrai Milord ? "

Elle ne fixait pas le Seigneur, toujours le prêtre, pourtant nul doute qu'elle s'adressait à ce moment précis à l'hôte de la fête et non à celui que l'on célèbre. Elle leva une main, la droite, et fit glisser lentement son pouce le long de son index, penchant la tête de coté. La jeunesse l'attendait. Plus jeune qu'elle, n'ayant surement jamais connut le conflit ni même perdu quelque chose dans la guerre. Cela l'amusa un peu, car à Ellgard les gens naïfs et innocents sont rares. La famille Maeryll est certes dure et intransigeante, mais beaucoup de famille de l'Empire sont ainsi en réalité. Derrière elle, se trouve l'inverse de ce qu'on attend d'un citoyen impériale : quelqu'un qui n'attend rien, qui ne calcule rien de plus que la météo pour se couvrir correctement et qui pourtant possède des rêves dépassants sûrement les ambitions de la plupart des politiciens. Un destin funeste l'attend ou alors une grande réussite, mais sa vie ne sera jamais banale, car justement, elle est innocente.

-" Avant d'avoir l'avis de notre Hôte ou le vôtre, j'aimerais savoir ce que cette jeune fille silencieuse pense de l'Empire et du conflit qui nous oppose. Votre acolyte doit sûrement posséder un nom et des connaissances en histoire, donc capable de se forger une vision propre, je doute sincèrement qu'un homme sage comme vous choisisse une idiote comme compagnie. "

Le brouhaha de la fête reprenait doucement, cependant beaucoup jetèrent des regards intrigués au dossier de la chaise de Linia. Ses mêmes regards se portèrent soudainement sur la petite blonde derrière elle. Pourquoi lui demandait-elle d'intervenir ? Une moquerie ? Un réel intérêt ? Un nouveau pion sur un échiquier bien trop complexe pour le commun des mortelles venait-il de faire son entrée dans la partie ?
Certains sourient. D’autres serrent les dents, prêts à exploser à tout moment. D’autres, encore, restent d’un calme olympien. Enfin, les derniers – ou la dernière, un peu unique en son genre – clignent des yeux sans vraiment comprendre la portée des paroles qui sont prononcées ici.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les Akanthiens n’interviennent pas. Sont-ils paralysés par la peur ? Ont-ils reçu l’ordre de ne pas échanger le moindre mot avec les Ellgardiens ? Le rôle d’un hôte est aussi de défendre ses invités, de les protéger… mais ces derniers semblent avoir décidé qu’ils ne lèveraient pas le moindre petit doigt. Quoique pendant le discours de Dame Maeryll, une femme est entrée, et le seigneur Akanthien lui a susurré quelques mots à l’oreille. Elle est alors repartie, aussi vite qu’elle était arrivée.

« Jeune fille silencieuse ». Rika regarde parmi les gens si quelqu’un correspond à la description donnée. Voyant qu’on l’observe elle… notre jeune insouciante finit par faire le rapprochement. C’est d’elle qu’on parlait ? C’est à elle qu’on demande un avis ? Comment est-ce que ça se fait ? Elle est pourtant la personne la plus banale de la pièce, à n’en pas douter… l’avis de n’importe qui d’autre serait plus pertinent que le sien.

- Pffu, lâche Mischa dans un soupir, dédaigneuse, alors que les regards se tournent désormais vers elle. Cette paysanne EST une idiote, elle n’est ici que pour faire de la figuration. Sa… hm… « sélection »… n’est due qu’à ses maigres connaissances de la faune, pas à ses capacités d’analyse ni ses qualités d’oratrice. N’allez pas non plus me faire dire ce que je n’ai pas dit : son savoir en la matière est d’un niveau acceptable… elle « pourrait » éventuellement devenir l’une de mes assistantes. En l’occurrence, celle qui choisirait et trouverait le meilleur cuir pour mes souliers.

Une pique qui a le don de couper Rika dans son élan, alors qu’elle avait déjà commencé à ouvrir la bouche. Tout est faux… en tout cas, sur le papier. Les deux jeunes femmes sont pressenties pour succéder à Mossar Von Traterrian, avec des chances équivalentes… et le jour où le Prêtre quittera ce monde, ce sont les dieux eux-mêmes qui désigneront son remplaçant. Certes, Rika ne se fait pas d’illusion : elle est trop jeune et sûrement trop peu expérimentée, elle souffre la comparaison face à quelqu’un comme Mischa Eoldine… mais elle apprend, et fait sûrement preuve de beaucoup plus d’humilité que cette… vilaine chipie.

Un rire rauque et gras, caractéristique d’un fumeur, éclate à l’autre bout de la salle. C’est le Magister Valgoghnar qui s’amuse de cette réponse, brisant ainsi le silence qui venait de s’installer. Il apprécie par-dessus tout les femmes qui ont du répondant et qui répliquent du tac au tac ; ce dialogue réunit donc tous les éléments susceptibles de l’amuser. Posant une main sous la visière de son Stetson, il la relève un peu et porte son regard sur Rika… celle qu’il espère désormais voir répliquer, avec tout autant de virulence que ses prédécesseurs.
De son côté, la jeune blonde reste coite. Elle ne comprend pas vraiment pourquoi on s’entête à parler d’elle à la troisième personne, alors qu’elle est bel et bien présente… ni pourquoi l’une de ses compatriotes prend plaisir à la rabaisser face à une Ellgardienne. Mais elle va imiter le comportement que Dame Maeryll adopte, et laisser Mischa parler dans le vide. Après un, deux, trois pas sur le côté, la voilà désormais à la droite de l’ennemie de sa Nation et à gauche de sa Seigneurie, enfin visible par tout le monde.

- Rika Eriézaké, ma Dame. Je… dois vous avouer que je ne sais pas trop quoi en penser. Je trouve le conflit… dommage.
- Ces énergumènes nous ont attaqué à Fhaedren et pillent les autres Royaumes de tous leurs cristaux, et tu trouves ça « dommage » ? réplique celle à qui personne n’a rien demandé, exagérément abasourdie. Tu es sérieuse ?
- Ben… Vous savez… j’ai une vision assez… rurale de la chose. Je me sens faire partie du monde, sans être inférieure ni supérieure aux autres espèces. D’ailleurs, je ne suis qu’une humaine, sans pouvoir, sans rien de spécial… c’est, du coup, plus simple de relativiser sur ma place dans le monde. Et au final… un conflit pour plus de pouvoir… un peuple tout entier qui refuse de se soumettre à une religion… je trouve ça… naturel.
- Pardon ??? hurle l’autre.

Valgoghnar a rebaissé la tête, fermé les yeux et ne sourit plus. Sa mine est plutôt sombre. Le vieux prêtre reste quant à lui silencieux et à l’écoute, regardant à tour de rôle Rika et Dame Maeryll. C’est donc forcément Mischa qui s’est levée brusquement comme un seul homme, et qui voit là l’occasion de se mettre en valeur, encore une fois.

- Naturel, mais on préfèrerait trouver un bon compromis ! rajoute Rika avec passion. Ce serait comme essayer de régler une querelle entre un lion et une gazelle… ce serait presque impossible, sauf si on les séparait de force. Certaines espèces animales possèdent un territoire et le défendent coûte que coûte s’ils se sentent agressés… et c’est ça, c’est ce « se sentir en danger ou agressé » qui pose problème. Alors que nous parlons la même langue, nous n’arrivons pas à nous comprendre… et tout ce que je peux vous dire, c’est que j’en ignore la raison.

Les mains dans le dos, la jeune femme regarde son interlocutrice dans les yeux… un peu désolée d’en arriver à une telle conclusion. Elle n’a jamais essayé de rallier quelqu’un à sa cause. Elle n’est pas négociatrice, pas ambassadrice, rien du tout ; pour elle, tout pourrait pourtant se résoudre d’un claquement de doigts. Mais ça n’a pas l’air de fonctionner, et ce depuis des années. Quelles sont les difficultés ? Pourquoi est-ce que les gens se battent, s’entretuent plutôt que se tendre la main ?

Mischa s’est rassise en posant sa main sur son front, décontenancée. Elle lève ensuite les yeux au ciel, l’air de dire « c’est ça, va t’occuper de ton troupeau de moutons ». Mais Rika est bien décidée à ne pas terminer là-dessus, encouragée par le prêtre qui la regarde toujours, l’air conciliant. Il la pousse à continuer son message de paix.

- La solution au problème, c’est le rassemblement, la religion commune. Parce que nos dieux ont le pouvoir de nous séparer, afin que nous puissions tous vivre en paix. Voilà, c’est mon avis. Et vous Dame Maeryll… est-ce que… vous êtes une lionne ?

À priori, bien sûr que oui : si elle se souvient bien, ce sont les Ellgardiens qui ont attaqué les premiers. Ce sont eux, les animaux qui veulent étendre leur territoire et faire frémir toutes les autres Nations. Mais s’ils sont des lions… c’est dans leur nature, qui pourrait les en blâmer ?
Seul quelqu’un d’extérieur pourrait résoudre le conflit entre un lion et une gazelle. À cette échelle, une simple femme comme Rika pourrait s’y coller… mais à l’échelle des Nations, gage qu’il faudrait bien plus que de simples Humains. L’intervention de dieux… n’est-ce pas ?
Linia attendit simplement la fin du discours de la jeune fille, dans un calme impassible, son regard prédateur posé sur le prêtre, le regard d'un rapace fondant sur sa proie certes, mais avec une forme de respect et de compassion, comme pour achever un animal malade et non pour se repaître ou par plaisir de chasser. Il est un conte populaire qui raconte que les grands prédateurs sont aussi les miséricordieux des animaux vieux et malade, achevant leurs souffrances. Elle n'a jamais pu vérifier cette théorie, bien qu'en ce moment même elle pouvait comprendre un loup achevant simplement un cerf majestueux en fin de vie.

Ce qui l'amusait, un fait simple et pourtant, il faut le noter, c'est la gêne que les gens ont en général à parler sans qu'on les regarde dans les yeux. Autant pour la jeune blonde que pour l'idiote impertinente qui tentait vainement au début de lui couper la parole, cela devait être déstabilisant. Mais l'une arrive à surmonter l'épreuve quand l'autre tente de se jeter contre sans espoir. Certes, son avis est naïf et n'intéresse que peu Maeryll, mais il est important de noter n'importe lequel.

Pendant un long moment, une sorte de tension se créer dans la salle. Le rire gras du magister, Thonius tournant simplement la tête vers lui, déjà prêt à bondir presque si jamais il esquissait un mouvement, ne fait que la renforcer, car il est évident pour tout le monde que les deux hommes se surveillent l'un l'autre depuis le début de cette rencontre. Mais en plus, à la fin du discours, Linia ne dit mot, se contentant de fixer les yeux fatigués du prêtre. Soudainement, son regard se tourne enfin, vers Mischa, les pupilles si contractées qu'elles ressemblent à deux points. Un regard froid, meurtrier, sans appel. Leur petit comité réduit peut sentir la magie à ce moment, presque palpable, mais le reste de la salle ne verra qu'un simple mouvement. Il y a comme un arrière-goût de fer, de sang dans la bouche du prêtre, de Mischa, de Rikia et de leur hôte.

Le temps semble comme se figer pour la jeune imprudente qui joue de provocation avec une créature beaucoup plus dangereuse qu'elle, la magie opérant bien évidemment, mais aussi à cause du fait que lentement, les lèvres de la Dame s'ouvrent pour lâcher un long feulement rappelant celui d'un rapace, frappant le sol de sa canne au passage, marquant sa désapprobation par ce geste presque théâtral. Puis des mots se forment, pouvant être entendue dans toute la pièce.

-" Je n'ai pas émit une seule menace du début de cette rencontre, juste des faits et des idées. Bien que l'idée de t'ignorer misérable cloporte purulent soit une alternative des plus amusante, tu ne cesses de bourdonner aux oreilles des autres, comme un insecte qui demandant la mort sous la botte des plus grands. La prochaine fois que tu ouvres donc ta seule bouche, ce sera pour cracher du fer, je te laisse imager le propos, et non ton venin perfide. Et croit bien que ton visage ne sera qu'une poussière fugace, mais que le mien sera pour toi l'un de tes cercles infernaux."

Le sentiment que ravivait Linia chez elle était simple : l’effroi à l'état brut. Elle lui "offrait" un morceau de ses propres souvenirs, quand on se sait acculer et qu'il ne reste aucun espoir de s'en sortir. Le plus amusant, c'est que sa voix est presque enjouée, sourire aux lèvres. Aucune colère ne transparaît sur son visage ou dans la vibration d'air qui forme ses mots. Ses yeux se tournent de nouveau et lentement vers le prêtre, ses pupilles se dilatant à nouveau.

-" Votre avis est naïf, penser qu'une communauté est unie ou qu'une nation est entièrement en accord, c'est croire en l'utopie. Chaque être vivant voit son profit avant le reste, bien que parfois, leur vision du "profit" les amène à une loyauté et une volonté de faire progresser l’entièreté d'une nation et non sa petite personne seulement. Maintenant admettons que les Dieux existent, alors nous avons un libre-arbitre, sinon comment expliquer qu'une nation prospère sans leur aide ? En admettant donc le libre-arbitre, il faut admettre aussi qu'ils n'agiront pas car nous sommes... libre. Ou alors ils veulent être aimés au prix de vie humaine, et chez vous on appel ça des êtres-infernaux, non ?"

Elle laisse un petit blanc, en suspens, très court, juste une manière de marquer son propos, de permettre à ses interlocuteurs d'enregistrer l'information, sans les saturer immédiatement avec une autre.

-" Pour ce qui est de la guerre, je vous laisse à vos versions, il serait malheureux d'évoquer la possibilité que Maeria est attaqué la première ou bien que l'attaque était simultanée pas vrai. Quoi, je viens de le faire, autant pour moi. "

Sur ces dernières paroles, son regard se tourne quelques instants sur Mischa, la testant visiblement. Puis elle se contente de se lever lentement, se tournant pour faire face à Rika. Elle ne prend aucune mesure pour respecter une distance particulière de bien-être, venant presque coller son visage au sien. Elle la fixe droit dans les yeux, un sourire en coin, si proche qu'elles peuvent chacune sentir le souffle de l'autre sur leurs visages.

-" Avez-vous peur de moi ? Les lionnes font peur de près, moi je pense qu'il y a bien plus effrayant cependant. Une menace invisible, intouchable et pourtant bien présente et que l'on peut sentir dans l'arrière de sa nuque, capable de fondre n'importe quand, n'importe où. Alors, avez-vous peur ? "

Elle ne bouge pas, attendant la réponse de la jeune fille. Elle tient sa canne à deux mains, caressant doucement la chouette du pouce et ne fait pas attention au fait que beaucoup les regardent précisément, impatient de savoir ce qu'il va se passer, alors que de l'autre coté de la pièce, le Magister et Thonius sont aussi tendus l'un que l'autre, le premier ne pouvant pas deviner ce que chercher Linia, le second incapable de connaître les limites de sa maîtresse et commençant à redouter une provocation de trop. Belquin rentre la tête entre les épaules, montrant une certaine désapprobation, mais ayant une confiance absolu envers Maeryll. Cependant, son petit jeu de magie n'a pas dû plaire au Seigneur Akanthien et il serait idiot de penser qu'il tolérera défensivement des provocations Ellgardiennes.
- Si on montre de la peur face à un animal sauvage, on n’a aucune chance d’en réchapper. répond Rika qui, malgré le fait d’avoir déjà expérimenté ce genre de situation, ne parvient pas à masquer son malaise. Tout ce qu’on peut faire quand il charge… c’est essayer de le surprendre ou de le bluffer.

Côte à côte, elles ont beau n’avoir que quelques centimètres d’écart, l’aura de Dame Maeryll est écrasante, oppressante, dominante. Être face à une géante de plus de deux mètres produirait le même effet.
Une « Lionne »… ce n’était sûrement pas le bon animal à laquelle la comparer. C’est une ourse… ou une aigle, un animal au regard perçant comme les rapaces qui regarde vers le bas pour dénicher ses proies. Au contraire des félins, qui se tapissent dans les hautes herbes, au plus proche du sol, et qui s’en prennent à plus gros qu’eux. Où qu’ils se trouvent, à quelques centimètres ou à 10 mètres de distance, tous les individus présents dans la pièce doivent sentir cette pression sur leur nuque. Comme une présence derrière eux.

Mischa s’est un peu écartée depuis les menaces et la brève perception de goût sanguin dans la gorge. Son nom et sa présence se sont évanouis, comme si elle s’en était allé retrouver l’anonymat, au milieu des autres quidams. Le vieux Prêtre a fermé et plissé les yeux quelques instants… à tel point que certains ont craint pour sa vie. Faux. Personne ne le regardait, les gens ici présents ne s’intéressent qu’à leur petite personne. Le Magister, quant à lui, s’est redressé pour faire quelques pas sur le côté, l’air lugubre. Il ne s’est pas dirigé vers le groupe, ni vers les deux acolytes de l’Ellgardienne… non, il s’est seulement senti incapable de rester sur place, immobile. Pour ne pas perdre la face, il a ensuite relevé la tête, et marche désormais lentement vers la femme qui accompagne Dame Maeryll, un sourire aux lèvres. Les mains dans les poches, il ne montre pour le moment aucun signe d’agressivité. Enfin, l'hôte de ces lieux montre davantage encore son exaspération, et le fait savoir à ce qui semble être une garde. Tout cela à voix basse, on ne parvient à en saisir que quelques murmures.

- Pourquoi parler de « libre-arbitre » ?

Le vieux Prêtre, qui a rouvert les yeux, vient de s’adresser à l’Ellgardienne. Son ton est toujours aussi calme, posé, comme s’il ne s’était rien passé. Rika, toujours trop proche de Dame Maeryll, cligne des yeux et jette un coup d’œil vers son supérieur : c’est elle qu’il regarde. Encore une sorte d’encouragement ? Ce qui est sûr, c’est que rare seront ceux qui réussiront à la rendre muette de peur.

- Pourquoi est-ce que nos dieux empêcheraient quiconque de faire quoi que ce soit ? demande-t-elle, honnêtement curieuse. Au contraire : dans le passé, alors que nous étions fichus… ils sont apparus à nous, nous ont tout donné… et parce qu’ils ne nous ont rien demandé en échange, nous les avons adulés. Vous trouvez ça mal, de chérir son ou ses protecteurs ?
- Lady.

Le Magister est arrivé à deux mètres de Belquin, et c’est à elle qu’il adresse une salutation en ôtant son chapeau. Lui seul sait ce qu’il a en tête à ce moment-là… mais l’intervention a pour effet de distraire Rika, qui regarde quelques instants de son côté. Et les choses s’enchainent naturellement dans l’esprit de la jeune femme, comme une logique qui serait toute tracée.

- Deux personnes vous suivent. reprend-elle en les pointant du doigt. Si vous les avez choisi eux, c’est que vous avez confiance en eux, et s’ils vous ont choisi vous, c’est qu’ils ont confiance en vous. continue-t-elle en s’accordant presque le droit de toucher Dame Maeryll, mais en bougeant rapidement sa main de peur d’être impolie. Comme moi et Eloenne, ma sœur de cœur, même si elle n’est pas à mes côtés aujourd’hui. Je crois qu’ils ont pourtant autant de libre-arbitre que nous, non ?

Elle pourrait, et même devrait expliquer davantage sa pensée. Mais tout coule de source, tout est logique pour elle, puisqu’il s’agit de sa vie et sa logique depuis toujours. Pourrait-elle se mettre à la place d’un non-croyant ? Difficilement… et si aucun croyant n’est capable de comprendre un non-croyant, tous les arguments finiront toujours dans l’oreille d’un sourd.

Un bruit de fond commence à se faire entendre, en même temps qu’une légère vibration se fait sentir. Et après quelques secondes, ce sont des dizaines de gardes Akanthiens qui entrent dans la salle, munis de hallebardes, sous l’air réjoui et soulagé de l’hôte de la fête. Ils approchent, pique en avant, et l’un d’entre eux juge intelligent de bousculer Rika pour l’éloigner de Dame Maeryll. Surprise, la jeune blonde s’écroule sur le sol, gémit, se relève péniblement… puis prend un air peiné, suppliant, avec un soupçon d'embarra. Les mains en avant, elle s’approche à nouveau de l’Ellgardienne, implorant par-delà même qu’on la laisse avancer.

- Si ce jeune homme et cette jeune femme ne vous aimaient pas spécialement, s'ils faisaient ça pour l’argent, n’importe qui pourrait les payer davantage et vous doubler. fait le vieux prêtre, reprenant la conversation là où elle s’était arrêtée, comme si l’incident n’avait jamais eu lieu.

Mossar Von Traterrian… il tente de rattraper l’erreur des Akanthiens, imbécilité qui pourrait mettre fin à toute forme de discussion et de négociations. Rika hoche la tête en le regardant… puis elle se redresse et époussette ses vêtements, faisant à son tour mine que rien n’est arrivé. De son côté, l’hôte ne semble pas comprendre ce qui arrive, et laisse faire… encore une fois.
Il est pourtant en situation de force, accompagné de tous ces gardes armés.

- Je crois que c’est la même chose : nous aimons nos dieux, et souhaitons que tout le monde en profite ! complète Rika, utilisant le mot que le Prêtre avait sous-entendu sans pourtant le prononcer. Qu’est-ce que vous diriez de vivre chez nous quelques temps pour voir de l’intérieur comme, grâce aux dieux, la vie est belle en Mearian ? Je serai votre guide !

Difficile de dire quelle est la personne la plus abasourdie de la salle…