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Lost Kingdom  :: Nueva :: Les Lacs Infinis

Des souvenirs douloureux [@Viladra Memphis]

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Et voilà. J'ai pas signé pour ça moi bon sang, allez debout, arrête de vomir, t'es ridicule Jun.

Oh, salut, cher "employeur du narrateur de Invité". Tu te demandes sûrement pourquoi il dégueule ? Boâh, je n'en sais trop rien. Il se baladait tranquillement sur le contour du lac, regardant l'eau et son flux, quand soudain il s'est mis à pleurer. Un vrai fragile; tu sais de quoi je veux parler n'est-ce pas ? Typiquement le genre, exactement.

Je te résume un peu la situation. On en a déjà parlé, tu es au courant de la mort d'Elizabeth, l'ex-femme de Junmai ? Ils parcouraient très fréquemment le chemin de ces eaux ensemble, apparemment il n'a pas supporté faire la route seul, trop d'émotions et de souvenirs lui sont tombés sur la tête d'un seul coup. Ce doit être difficile à vivre après tout, qu'est-ce que je peux en savoir ? Je ne suis qu'un narrateur, j'ai une femme, des enfants, mais on prendra le temps d'en parler autour d'une bière un de ces jours. Oh attend, il se relève et s'est essuyé la bouche, il a du se ressaisir ! Je reprend la narration !


Les temps sont frais en ce moment, plus encore qu'hier. Alors que les températures sont à la baisse, les flux de courant d'eau décélèrent et la faune qu'ils camouflent se sont enfouis en profondeur; rendant la pêche complexe. Néanmoins, les temps sont doux et le vent ne s'est pas encore levé : une journée à sortir. Enfin, pour quiconque aurait la tête à ça.

Junmai a décidé de sortir pour se changer les idées. Le décès d'Elizabeth est encore tout frais et il ne réussit pas à retirer l'image de son corps inerte de sa tête; il espérait qu'en prenant l'air, en discutant peut-être avec des voyageurs, il réussirait à ne plus y penser et pourrait passer à autre chose. Ce n'est pas chose aisée.

"Pourquoi es-tu partie... c'est la guerre dans nos villages, tu devais te cacher, rester loin du monde... tu as toujours été trop gentille, avec n'importe qui." murmurait-il, accroupi face au bord de la rivière, songeur, manipulant la scène des centaines de fois dans sa tête tout en observant son reflet solitaire dans l'eau.

ft. Viladra

ft. Junmai

「 Ton désespoir se reflète. 」
Mon périple à Nueva touchait à sa fin. J'avais passé beaucoup trop de temps dans cette nation et si les paysages verdoyants et sa population pacifiste étaient apaisants, je commençais à manquer d'action. Décidant de passer une énième soirée aux lacs infinis, j'avais parcouru la moindre parcelle de ces lieux, appréciant leur calme et leur faible fréquentations. Beaucoup de voyageurs y venaient, mais bien peu s'enfonçaient plus profondément dans la nature, préférant rester en bordure des villes et non loin de la route principale. J'observais cette fourmilière grouiller comme des insectes en période estivale, je contemplais ces familles faibles et naïves qui n'avaient aucune conscience de la pourriture qui gangrenait notre planète. J'étais si lasse... Si fatiguée de cette éternité qui me pesait sur les épaules sans que je ne me sente vivre. En quatre siècles, j'avais pourtant essayé beaucoup de choses pour apporter un semblant de piquant dans ma vie... Au début la curiosité, puis la bonté et le désir... Avant de sombrer dans la folie, la cruauté et les vices. J'étais vide, maintenant. Je me contentais des quelques conséquences que causaient mes actes déséquilibrés et dangereux, savourant parfois les émotions extrêmes que cela pouvait déclencher en moi comme chez les autres, mais je m'ennuyais.... Terriblement.

Dans ces moments-là, la frustration m'envahissait et je sentais une certaine exaspération agiter mon être. Je n'étais pas dupe, j'avais pleinement conscience de mon instabilité, je savais que la folie de la corruption avait investi chacun de mes pores, qu'il me fallait un rien pour que je n'explose. J'avais durement travaillé pour me contrôler, et si désormais je pouvais apaiser moi-même mes excès de folie, je savais tout de même reconnaître les moments où j'étais plus fragile... Et je ne voulais pas me laisser aller à une démonstration de violence. Le temps où je me réfugiais dans la haine et le sang était loin derrière moi... Il me fallait l'esprit clair, une âme d'acier dans une enveloppe de velours. Maintenant je n'étais plus qu'une simple guerrière, ancienne déesse martiale, j'étais un assassin.

Mon portail s'ouvrit au-dessus de l'eau et je restai bloquée dans ma dimension, suspendue entre terre et ciel, ses limites transparentes me permettant de voir la réalité. Contemplant le miroir lisse qui ne me renvoyait aucun reflet, mon regard gris se perdit dans les profondeurs aquatiques, contemplant la nage des poissons indolents, surpris de ma présence soudaine. Passant un bras au-travers de la barrière invisible qui me séparait du monde réel, j'effleurai alors la surface liquide, laissant les ondes causées par mon geste s'éloigner jusqu'aux rivages. M'étendant quelques instants, statue sombre semblant portée par le vent, je regardai alors l'horizon avant d'apercevoir une silhouette penchée sur la berge. Et bien... Pour une dernière soirée en ces lieux, il faut croire que la providence a décidé de m'accorder un peu de compagnie. Ami, ennemi, proie ? Quel rôle avait-elle décidé de m'offrir... Disparaissant alors, je laissai la réalité reprendre ses droits sur ma personne.

Mon portail s'ouvrant alors devant l'inconnu, je m'assis à son entrée, mes jambes pendant tranquillement dans le vide. Ma dimension étant invisible pour ceux qui n'y étaient pas invités, cela donnait un peu l'impression que j'étais assise dans le vide, mais la magie était suffisament présente sur cette terre pour que mes interlocuteurs ne soient pas trop étonnés par ce genre de phénomène. Du moins, c'était ce que je me disais... Ils pouvaient bien être surpris, j'aimais voir la frayeur ou l'étonnement dans les yeux des autres.
La personne qui se tenait à un mètre de moi était d'un physique plutôt atypique. Bien qu'il s'agissait d'un homme, son apparence était assez androgyne pour que le doute soit permis et la couleur étonnante de ses cheveux contrastait avec celle, bleue, de ses yeux. Pas très grand, je devais faire sa taille si ce n'était pas un peu plus mais sa musculature était suffisamment développée pour qu'il soit facile de deviner qu'il s'entretenait d'une quelconque façon. Il avait l'air songeur, un poil nostalgique mais la tristesse était bien présente dans son regard. Allons... n'y avait-il donc aucune justice dans ce monde … ?
L'ombre d'un sourire sur les lèvres, je posai alors mon regard dans le sien, croisant tranquillement mes jambes.

Quel dommage de voir une personne si tourmentée... Dis-je alors en guise de présentation. Ce n'est pas un temps pour se laisser aller à la tristesse...

Le soleil était éclatant, la journée promettait d'être belle et une fine brise venait nous rafraîchir, nous épargnant la chaleur brûlante des rayons de soleil. Personnellement, je préférais les paysages plus sombres et plus mystérieux qu'à la clarté de l'astre céleste dans un espace aussi dégagé. Les ombres pouvaient me dissimuler sans que je n'use d'artifice... Pas en ces lieux. Ce n'était pas grave, l'heure était à l'amusement et à la curiosité...
"Quel dommage de voir une personne si tourmentée... Ce n'est pas un temps pour se laisser aller à la tristesse...
- Tu as raison Elizabeth, je ne dois pas me laisser abattre."


AH BEN BRAVO JUNMAI, TU T'ES ENCORE PLANTÉ. C'est pas croyable, eh, désolé pour ton personnage hein, celui dont je m'occupe est un peu stupide sur les bords. Il voulait pas t'appeler par le nom d'une morte, enfin de son ex, tu vois ce que je veux dire ? Une femme quoi ! Eh, il est traumatisé, il a vu sa femme mourir, il est pas venu là pour souffrir ok ?

"Excusez-moi. Vous avez une voix très similaire à ma femme et j'ai cru que c'était elle. Peut-être n'ai-je pas bien discerné vos mots dans ce cas, que m'avez-vous dit ?"

... on touche le fond. Si seulement tu t'étais cantonné à te tromper dans son nom, mais pas du tout ! Tu as même franchi le cliché du "tu ressembles à mon ex" en employant le "tu ressembles à ma femme" ! Clairement mon pote, si tu avais une infime chance de te la sauter un de ces soirs, autant te dire que cette fois c'est fichu pour toi et que tu rentreras chez toi tout seul. Tu as même commis l'irréparable, à savoir ne pas écouter une femme. Eh, les copains, je peux changer de personne à narrer ? Je suis prêt à parier que celui-là va se faire exécuter dans quelques secondes... quitte à le voir mourir, autant le faire en tant que narrateur.

Une rafale de vent vint pousser les longs cheveux de la demoiselle, flottant dans les airs. S'il lui avait demandé de répéter sa phrase, il n'avait même pas fait attention à sa position aérienne surprenante et il était presque évident que Junmai ne l'avait même pas captée du regard; suspendant ses pupilles contre son reflet dans l'eau, avant de secouer la tête, comme s'il cherchait à reprendre ses esprits.

Alors, il épousseta sa veste. Un mouvement sec, sorti de nulle part ─ sa veste était propre, c'était sûrement un réflexe ─ qui en disait long sur sa motivation : il venait de reprendre, par une simple phrase de l'inconnue, une once d'espoir sur son futur en se rappelant qu'Elizabeth existait toujours. Avant même que celle-ci ne puisse répéter sa phrase d'accroche, il enchaîna sa question d'une information.

"Je me nomme Junmai Daiginjo. Ce genre de prénom est assez fréquent dans mon village natal et nous sommes une grande famille, il se peut que tu connaisses l'un de mes frères éloignés si tu es du coin. Peut-être es-tu une vagabonde ?" interrogeait-il en la tutoyant, amical.

ft. Viladra

ft. Junmai

「 Ton désespoir se reflète. 」
Cet homme était véritablement tourmenté et je retins un sourire amusé quand il me répondit par un autre nom. Ce fut automatique, il n'hésita pas et il n'était pas difficile que des souvenirs douloureux l'assaillaient encore... Elisabeth... C'était un joli prénom. Je me rappelais l'avoir déjà utilisé pour diverses couvertures et sa sonorité m'évoquait un temps passé où j'étais occupée à fuir et à me cacher. Maintenant, je pouvais entendre dans le timbre désespéré de sa voix que ce simple patronyme avait une signification bien plus profonde et bien plus douloureuse, chez cet homme.

Ah, les mortels... Si jeunes, si éphémères et si fragile. Là où quelques années leur semblaient être l'éternité, elles n'étaient pour moi que des secondes sans importance. Pauvre petite chose... Je te parlais aujourd'hui qu'à mes yeux, tu périras demain. Mais prenons les événements comme ils viennent, il était tourmenté et j'adorais m'insinuer dans les âmes de ces êtres faibles... Peut-être me résisterait-il, ou bien il succomberait à mes mots.

Il s'excusa aussitôt, notant la ressemblance de ma voix avec celle de son femme. Oh, un homme marié? J'avais peu de scrupules, mais il était toujours dérangeant de manipuler une personne casée... Mon côté féministe, très certainement.
Me contentant d'hocher légèrement la tête, je n'eus pas le temps de répéter qu'il enchaîna directement en se présentant. Effectivement, en quatre siècles d'existence, j'avais eu l'occasion d'entendre son nom plusieurs fois... Quant à celui de sa famille, il ne me disait rien mais il était fort possible que j'eus été un jour amenée à croiser la route de l'un de ses membres. Restait à savoir si ces potentielles rencontres s'étaient bien passées... ou non.

Me demandant si j'étais du coin, je souris légèrement. Oh, si j'avais vu ma dernière renaissance dans les sources de Mearian, je n'étais plus d'aucune nation désormais... J'allais un jour dans l'une, et voguait un autre à l'opposé du globe terrestre. C'était d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle il était toujours compliqué pour moi de tenir une conversation sans perdre les gens. Je préférais donc rester brève, sans trop en dire afin de ne pas les mélanger dans mes contradictions.

Non, je ne suis pas du coin. Répondis-je alors. Disons que je suis ici... en pèlerinage.

Une ancienne pseudo-déesse déchue de son trône et portant désormais l'étiquette de corrompue. Oui, j'aimais l'idée de dire que j'étais là en excursion religieuse... Jouer son opposé était tout de même nettement plus amusant que de flirter avec la vérité... Et les dieux seuls savent à quel point je m'ennuyais en ce moment.

C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle je n'ai pas pu m'empêcher de venir te troubler dans ton recueillement... Tu m'as l'air d'être perdu.

Affichant un sourire bienveillant, je me redressai alors légèrement pour éviter qu'il se torde le cou pour me parler.

Mais je ne voudrais pas te troubler, peut-être as-tu simplement besoin de solitude ? Dans ce cas, je m'en excuse sincèrement...

Me comporter ainsi me rappelait un temps où j'étais encore pure et immaculée. Je ne pouvais m'empêcher d'aller au contact des autres, de rassurer mes fidèles et de veiller à ce qu'ils soient bien. Maintenant... Ce n'était plus que des futilités et si je passais outre ce genre de comportement méprisable, je m'étonnais néanmoins d'avoir perdu autant en humanité. Peut-être que ce que je pensais être une force se retournerait un jour contre moi. Ce serait amusant, je ne risquerai plus de m'ennuyer, au moins.

Viladra Memphis, terminais-je enfin, enchantée de faire ta connaissance, Junmai.
Une pèlerine ? Sérieusement ?

La seule présence de Viladra a fait faner des fleurs alentours, elle est en train de flotter entre deux univers et apparaît en lévitation et son visage a plus l'air d'une adoratrice des ténèbres qu'une prêtresse. C'est une tentative de manipulation bien stupide que la demoiselle orchestre là, il est évident qu'un piège de ce genre est un attrape-couillon. Junmai ne tombera clairement pas dans le piège, mais sera-t-il capable de deviner la vraie nature de son interloc-

"Enchanté, pèlerine. Cependant, au risque de te contredire, je pense que c'est cette solitude qui me trouble."

MAAAIS GROS CON ! C'EST PAS UNE PÈLERINE, RAAAAAH. Bon dieu, j'en perd mon sang-froid, ce mec est une huître. Non sans blague, je suis obligé de narrer une telle daube ? Allez, c'est reparti.

"Enchanté, pèlerine, dit Junmai en croisant cette fois ses bras comme un mouvement mécanique. Cependant, au risque de te contredire, je pense que c'est cette solitude qui me trouble. expliqua-t-il calmement, comme s'il racontait une vieille histoire d'enfance. Il reprit un instant son souffle afin de confirmer ses mots, expliquant son passé proche comme s'il connaissait cette personne depuis des années. Si tu découvres la région, sache que nous sommes un petit village, scindé par les richesses. Il y a eu des guerres et le chaos règne aujourd'hui, raison pour laquelle je cherche à fuir les miens : du moins, ceux qui ont fait du mal à ma famille. Elizabeth, notamment. Il s'agit de ma femme, et..." ses mots cessèrent, comme s'il n'arrivait pas à prononcer la suite.

Il lui fallut un instant pour reprendre sa concentration, remarquant que la demoiselle flottait dans les airs. ─ Bordel, il est plus long à la détente que je l'imaginais ─, avant de changer de sujet pour ne pas se mettre, par erreur, son interlocutrice à dos.

"Peut-être puis-je te faire visiter ? À moins que tu aies à rebrousser chemin, je t'avoue que... retourner dans mon village natal me fait un peu peur aujourd'hui."[/i]

... attends, quoi ?

TU ES EN TRAIN DE PARLER À UN PUTAIN DE DÉMON, et c'est un poivrot à fourche qui te fait peur ? Mais, mais, mais fuis ! Fuis pauvre fou ! Cours et casse-toi, dis-lui que les connards de ton village ont énormément d'argent et admire le massacre qu'elle fera, mais sauve ta peau ! VITE !

ft. Viladra

ft. Junmai

「 Ton désespoir se reflète. 」
Le petit homme m'avoua sans honte qu'il ne supportait pas cet instant de solitude et je retins un nouveau sourire. Oui, l'espèce humaine n'avait jamais pu supporter se retrouver seule, et elle préférait s'entasser dans de grandes villes, quitte à se faire la guerre entre elles pour se sentir coexister. Beaucoup voyait cette unité comme une force, à mes yeux elle n'était qu'un moyen de se faire détruire d'un seul revers de la main... Les elfes en avaient fait les frais à l'époque de Fhaedren, cela ne serait qu'un renouvellement de plus.

Me faisant un bref topo de la situation actuelle de Nueva, j'hochai simplement la tête pour approuver ses paroles bien qu'il ne m'apprenait rien. J'avais été présente durant la plupart des conflits de cette planète, j'avais pu contempler la déchéance, la haine et la cruauté dont ses habitants pouvaient faire preuve. Peut-être que les mages noirs n'avaient pas si tort que cela, au final... Tout détruire et recommencer à zéro était sans doute la solution. Seulement, était-ce un but atteignable ? La magie avait ses limites, nous n'étions peut-être pas encore assez avancés pour prétendre à une folie pareille.

Lâchant un mince soupir couvert par le vent dans les feuillages, je maintiens mon regard sur mon interlocuteur tandis que je voyais son visage se décomposer légèrement à l'évocation de son ancienne femme. Je vois... Les batailles, la mort... Puis la douleur. Il était dangereux d'aimer, tu venais d'en faire les frais... T'attacher à des gens faibles faisait de toi une personne fragile. Mais tu n'étais pas encore assez endurci ni assez expérimenté pour le savoir, il allait falloir que tu considères cette tragédie comme ta première leçon de vie...

Me proposant soudainement de me faire visiter son village, je me retins de répliquer que je le connaissais déjà, et que j'avais déjà eu l'occasion d'y mettre les pieds à l'époque où ce n'était encore qu'un simple amas de cabanes dépareillées. Me contentant d'afficher un sourire agréable, je décroisai alors mes jambes et, faisant avancer mon portail jusqu'à la berge, posai un pied sur la terre femme avant de me retrouver à ses côtés. Nos tailles assez similaires me permettant de le regarder sans avoir à lever la tête, je reculai alors d'un pas, faisant mine de ne pas vouloir l'oppresser par une proximité indécente.

Je ne voudrais pas que tu te sentes obligé d'être aimable avec moi, répondis-je, une pointe de gêne dans la voix. Je me suis un peu imposée, à vrai dire...

Laissant quelques secondes de silence s'installer, j'entortillai nerveusement une mèche de ma chevelure autour de mon index. Souriant, un peu mal à l'aise je repris alors la parole, hésitante.

Mais... Mais oui, cela me ferait plaisir de visiter cet endroit, si cela ne te dérange pas.

Mais qu'est-ce que je fabriquais... Je me donnais envie de vomir. Seulement, qu'est-ce que je m'ennuyais... Et il m'offrait la possibilité d'occuper une partie de mon temps, alors pourquoi faire l'impasse dessus ?
Joignant doucement mes mains devant mes cuisses, je fixai alors son visage androgyne, guettant le moindre signe de méfiance qui pourrait percer son regard. Évitons de trop en faire...

J'ai tout de même l'impression que retourner là bas te peine, cela me gênerait de te forcer à raviver des souvenirs douloureux.

« Ou plutôt, cela pourrait me servir... »

Un mince sourire toujours sur mes lèvres, je refrénais intérieurement toutes les pulsions mauvaises et néfastes qui pourraient faire transparaître toute la corruption qui me pourrissait de l'intérieur. C'était inéluctable...  Une éternité de décadence m'attendait.   
"Ce n'est pas tant la ville qui me blesse, c'est plus le fait de ne plus jamais la parcourir de la même façon."

Junmai avait un peu de regret dans sa voix, simplement lié à la mort d'Elizabeth. S'il avait perduré davantage sur Nueva, c'était pour rester à ses côtés et il se rendait compte que ce n'était plus possible. Alors, il prit le temps d'accorder sa journée à une personne qu'il ne connaissait encore guère, comme pour oublier son passé; toutefois, il se demandait s'il avait encore sa place dans cette ville.

"Ici, c'est la ville mère. C'est dans cette zone et à peu de temps d'ici que se trouvent toutes les bâtisses utiles aux grandes familles, comme les hôpitaux, les épiceries et j'en passe. C'est dans ce quartier que j'habite, je te le présente dans un instant, laisse-moi juste récupérer une veste chez moi je te prie."

... Aaaah, bon sang qu'elle est mignonne quand même cette donzelle. Puis, ce petit cul tout ferme me fait regretter d'être un simple narrateur, si seulement je pouvais enfiler un manteau, quitter cette place d'orateur et devenir un acteur pour me la tap-... eh, il est parti ? Bon. J'ai perdu Junmai du regard, ça arrive, j'étais juste occupé à regarder autre chose. Il est sûrement chez lui, allons voir.

Junmai observait avec contemplation et effroi le canapé dans lequel il avait vu Elizabeth pour la dernière fois. Cette fois, ce n'était pas son corps en sang qui s'écrasait dessus, mais une ombre spectrale, blanche et bleutée, représentant sa femme comme un fantôme. Lui qui ne croyait que trop peu en la nécromancie et qui savait sa femme sans pouvoir ne bougea pas, tremblant de stupeur. Toutes ses pensées se livraient une guerre, un chaos innommable conçu dans son esprit. Était-ce un piège ? Était-elle réelle, une illusion ? Venait-elle de son plein gré ou de celui d'un autre ? Trop de possibilités, mais un seul fil conducteur : Viladra. C'était la seule avec qui il avait parlé depuis la mort d'Elizabeth et retourna ses pensées pour la porter responsable. Toutefois, il ne lui annonçait pas de suite.

"Viladra, j'habite ici. Peux-tu venir s'il te plaît ?
- Allons Junmai, n'as-tu pas envie de me rejoindre et me prendre dans mes bras ? Il te suffit de quitter ce monde, tout n'est pas plus mal ici bas... Tu es un homme bon, tu n'iras pas en enfer, tu mèneras ta route jusqu'aux cieux.
- VILADRA !" hurlait-il, cette fois avec une voix cette fois étouffée par la rage, la tristesse et la peur.

ft. Viladra

ft. Junmai

「 Ton désespoir se reflète. 」
  Finalement, je commençais à regretter amèrement de jouer les jeunes filles effarouchées. Non seulement il n'était pas très intéressant, mais en plus d'être déprimé et fragile, il était d'un ennui mortel...
Me contentant de le suivre en acquiesçant à chaque chose qu'il me présentait et que je connaissais déjà, j'affichais des sourires extasiés avec de moins en moins de conviction. Mais qu'est-ce que je foutais ici... Les sorties patrimoines, ce n'était décidément pas ma tasse de thé.

On traversa le village, et je regardais vaguement les échoppes et les commerces qu'il me montrait du doigt. Les gens autour de nous semblaient nous sourire, sans doute attendris par la vision d'un petit couple qui se baladait en toute innocence dans les ruelles de cette ville atypique. Les mains jointes dans le dos, je suivais mon interlocuteur d'un pas décontracté, le laissant néanmoins légèrement en retrait pour qu'il n'ait pas constamment une vision sur ma personne. Je n'allais pas maintenant cet air stupide et ébahi sans cesse, ça en devenait assez fatiguant...

Me menant jusqu'au cœur de la ville où se trouvait apparemment son habitat, je fus un instant accaparée par l'étalage d'une armurerie et je le perdis de vue quelques secondes. Hésitant à voler une lame à la garde ouvragée, je n'eus pas le temps de prendre une décision que je le repérai du coin de l’œil s'engouffrer dans un bâtisse. Lui emboîtant le pas un peu en retard, je n'étais pas encore entrée que sa voix s'éleva une première fois, une froideur contenue étonnante. Oh ? Il se passait quelque chose d’inattendu... Et quand j'entendis une femme lui répondre, je compris au sens des mots énoncés qu'il s'agissait certainement de la fameuse Élisabeth. N'était-elle pas censée être morte, elle ?

Il hurla alors mon nom, et je sentis la rage à la limite de la haine dans ce cri désespéré. On m'avait déjà nommé de cette façon, mais en général je savais les raisons pour lesquelles on m'appelait ainsi. Pour le coup, je me demandais bien pourquoi il se permettait de me parler ainsi... Et de l'ennui, fit place à une pointe d'exaspération.
Entrant dans la pièce principale, je restai une seconde interdite devant la scène qui me faisait face. Une femme était assise sur le canapé, son apparence spectrale me faisait immédiatement penser à la nécromancie. En quatre siècles de vie, j'en avais vu assez pour savoir que ce qui trônait parmi les coussins n'était en rien vivant... Et l'expression sur le visage de Junmai m'apprit que lui, il en n'avait aucune idée. Bref, quelqu'un en ces lieux jouait avec lui, et moi je me retrouvais au milieu... La situation était hilarante.

M'enfermant dans ma dimension, je la laissai néanmoins transparente ce qui fit que rien ne changea de l'extérieur. Oui, cela m'amusait, mais si cette chose était ici, c'est que son invocateur n'était pas loin et tant que je ne l'avais pas localisé... Je préférais surveiller mes arrières. Tentant de me refaire un visage neutre, je me tournai vers le jeune humain apeuré mais mes mauvais démons reprirent le dessus et je ne pus m'empêcher de récupérer mon attitude originelle. Laissant échapper un éclat de rire, je posai alors une main sur ma hanche, mes doigts à quelques centimètres de la garde de l'une de mes armes.

Ça alors... Lâchais-je, doucereusement ironique. Si j'avais cru assister à une chose pareille en te suivant...

« Il existe donc des gens bien cruels pour jouer avec les sentiments de ces pauvres mortels... »

Que l'on remette les choses au clair, ajoutais-je, plus froide. Si j'aurais pu le faire pour m'amuser, ce n'est néanmoins pas moi qui ai fait apparaître cette chose.

Il avait toutes les raisons de croire que je me trompais, et j'espérais fortement pour lui qu'il ne ferait rien d'inconscient... Je ne tuais pas par plaisir, cette sombre période m'étant passée, mais je n'avais aucun scrupule à ôter la vie aux insectes qui me faisaient face. Pour peu qu'il se montre trop insouciant et un poil trop agressif... Cela risquait même de faire remonter mon goût pour le carnage. Contrôle toi, ma grande... Tu as déjà l'étiquette de corrompue qui te colle à la peau, n'en rajoute pas une couche à ton CV, il est déjà bien assez pourri...
Viladra Memphis observait la scène avec amusement et une pointe d'exaspération. Il était clair que le comportement du jeune homme était insignifiant, mais qu-... eh, ça va pas de me gifler ? Laisse-moi ta place de narrateur de la demoiselle, j'en ai marre du mien ! Il n'arrête pas de faire n'importe quoi, il me faut quelqu'un d'autre. Allez, j'insiste, s'il te plaît, juste un peu... bon d'accord... je reprend ma place de narrateur de Junmai mais franchement, c'est à contre-cœur. C'est juste parce que t'as l'air faiblard pour un narrateur et j'ai peur d'avoir à te casser la gueule.

Le spectre s'adressait à Junmai et lui livrait quelques mots tourmentés pour le motiver à trouver la mort; des mots que l'adulte n'acceptait pas. Il n'était plus l'enfant influençable d'autrefois, mais une personne responsable... du moins, lorsque ses nerfs n'étaient pas frappés par le jeu d'un spectre qui cognait en plein dans son point faible. Alors, il leva pour la première fois la main contre sa femme en frappant d'un coup de poing la structure fantomatique, qui s'effaçait dans une brume bleutée. Alors, il se retournait face à Viladra pour la deuxième fois, la fusillant du regard.

"Comment oses-tu parler d'amusement ? Ma femme est décédée sous les coups d'un paysan sans foi ni loi : un crime de sang-froid. Aujourd'hui, son spectre m'apparaît pour me hanter et tu daignes parler d'amusement ? dit-il en saisissant un grand couteau à portée de sa main. Quel sorte de monstre es-tu pour te délecter des larmes d'une personne que tu ne connais pas ? Je vais te laisser deux solutions en ne t'en proposant qu'une. Sors de chez moi."

Et sinon ? Sinon, il s'en prendrait à elle comme elle s'en est pris à Elizabeth. La paranoïa de Junmai devient progressivement sans limites et, au fur et à mesure du temps, le garçon devient de plus en plus instable.

... donc, si je dois résumer, il était plutôt agréable à narrer lorsqu'il était en couple, mais depuis qu'il est célibataire, Junmai est trop instable. Il était triste, puis confus, puis heureux, puis surpris, puis effrayé, puis colérique, puis menaçant. C'est quoi la prochaine étape, somnolant ?

ft. Viladra

ft. Junmai

「 Ton désespoir se reflète. 」
 Je le voyais perdre la tête tandis qu'il s'acharnait à coups de poing sur la forme spectrale de sa femme. Les bruits s'assourdissaient autour de moi et je sentais lentement mais sûrement un frisson me parcourir l'échine. Retiens toi, Viladra, retiens toi... Le désespoir, la haine et la tristesse, tu as déjà connu tout cela. Toi-même tu fis tuer celui que tu aimas de tout ton être par simple colère, tu es donc la mieux placée pour le comprendre... Plains le, ne le blâme pas...

Mais sa détermination à détruire celle qu'il aimait faisait ressortir en moi des émotions que j'avais voulues enterrer depuis longtemps. Mes mains furent prises d'un léger tremblement et je les montai jusque devant mon visage, tentant de maîtriser la folie qui me gagnait peu à peu. Contemplant mes doigts d'un regard vide, je tentai en vain de me maîtriser. Refoulant difficilement les pulsions meurtrières qui m'assaillaient de toutes parts, je fermai alors les yeux et inspirai longuement. Un... deux... trois... Quatre... Expiration.

Sors de chez moi.

Le silence s'abattit dans la pièce comme la sentence divine. L'atmosphère s'alourdit lentement et je sentis la chaleur corporelle de mon corps grimper en flèche, faisant onduler ma chevelure et causant une légère fumée autour de mon être. Ma forme originelle n'attendait qu'une chose : jaillir et faire brûler cet homme qui osait se dresser face à moi. Ah, douleur, souffrance... Pourquoi fallait-il que cet être insignifiant me fasse perdre le contrôle...

Ouvrant mes paupières, mes yeux devenus braise se posèrent sur lui tandis que d'un chuintement silencieux, des pointes acérées percèrent la peau de l'extrémité de mes doigts. Tu ne méritais pas de me voir telle que j'étais... Mais pour ton affront, je te ferai l'honneur de me comporter comme la déesse que j'étais autrefois. Fidèle hérétique, ton péché sera lavé dans le sang, et bientôt tu me supplieras de t'achever...

Personne ne me donne d'ordre... Murmurais-je alors. Ni toi, ni la catin qui fut autrefois ta femme...

Et d'un courant d'air, je me retrouvai alors dans son dos, ma main entourant sa gorge avec une tendresse meurtrière. Mes griffes métalliques lacérèrent sa peau comme du papier, arrachant dans le même mouvement le pendentif qu'il tenait au cou et qui tomba au sol dans un tintement cristallin. Sa trachée ouverte, le réflexe respiratoire m'envoya une gerbe de sang qui m'aspergea le visage dans un éclat carmin. Je l'accompagnai dans sa chute, enfonçant alors mes lames dans la plaie béante, arrachant sa carotide et sa langue dans un craquement atroce.

La vie des humains était insignifiante... Je m'étais pourtant promis de ne plus la raccourcir lorsque cela n'était pas nécessaire, mais la tentation était trop grande. Je n'étais pas dupe... La corruption avait développé mon mental et mes capacités comme je ne l'aurais jamais rêvé... Mais j'étais devenue instable, et la moindre contrariété me faisait sombrer dans la folie.

Ma dimension s'abattit sur la réalité et des barbelés acérés vinrent transpercer son corps, l'immobilisant au sol. Portant doucement une main à mon bassin, je retirai alors l'une de mes épées avant de la porter à mes lèvres. Glissant tendrement le fil de la lame contre ma langue, le goût du sang se mélangea à ma salive et un nouveau frisson d'extase m'envahit avec jouissance.
Armant mon arme au-dessus de ma tête, je l'abaissai dans un premier geste de justice. Le métal perça son épaule sans résistance, et je continuai à frapper jusqu'à ce que son bras se détache dans un désordre de tendons et de chaire sanguinolente.  Etait-il mort vidé de son sang ? Non... Mais il me restait peu de temps avant qu'il n'expire son dernier souffle dans quelques bulles cramoisies.

Personne ne me donne d'ordre... Répétais-je dans un souffle en penchant mon visage sur le sien.

Glissant avec tendresse mon pouce acéré sur ses lèvres, je les fendis de mon acier en un rictus morbide avant d'y déposer un baiser. Ainsi tu mourras en souriant au ciel... Mais sans le plaisir de le voir une dernière fois. De mon indexe griffé, je fermai alors ses paupières, lui ôtant la vue dans une gerbe écarlate.
De ma main libre, j'enfonçai alors violemment mon épée dans son abdomen, la remontant lentement jusqu'à ses côtes que je brisai une à une jusqu'à ce qu'elle perfore un poumon. La faisant tourner deux fois avant de la retirer, je poussai ensuite un long soupir. Enfin... Ma sérénité revenait.

Me relevant, je sentais son sang dégouliner le long de mon visage et de ma poitrine tandis que sa vie s'échappait  à grande vitesse. Je n'avais pas visé le cœur, il aurait le loisir de regretter de s'être dressé face à moi. Quand on était qu'un rat, on ne défiait pas les dieux...
Me replongeant dans ma dimension, je m'effaçai alors de la réalité, me laissant néanmoins le plaisir d'observer la fin de ses derniers instants. Junmei... Ton vœux se réalise : aujourd'hui, je te renvoie aux côtés de ta femme...
AAAAAAAAAAAAAH MAIS C'EST IMMONDE ! Non mais elle est complètement folle celle-là, je le savais que c'était une démone ! Eh Junmai, mec, ça va ? Répond-moi !

... ok, c'est peut-être difficile de répondre à quelqu'un que tu ne peux pas entendre, notamment avec la gorge tranchée, les yeux déchirés et la bouche lacérée, mais tu pourrais faire un effort au moins, je sais pas. J'ai toujours été là pour toi ─ depuis quelques mois ─, j'ai toujours veillé sur toi ─ sauf lorsque de jolis petits lots passaient sous mes yeux ─ et je t'ai encouragé tout au long de ton aventure sans jamais perdre espoir sur ce que tu allais devenir. J'ai... j'ai tout fait pour toi Junmai, mais t'es quand même mort comme une merde. Contre une femme en plus, bon sang.

... j'ai beau essayer, je n'arrive pas à narrer l'histoire d'un type aveugle, muet et qui fait des bulles avec sa gorge. C'est dégueulasse et ça en fout partout, j'ai franchement pas envie de participer à ça. Alors... j'ai une idée ! Toi, là ! Jack saisit un stagiaire narrateur et le met à sa place. À partir de maintenant, tu vas être mon narrateur ! Moi, je me tire ! Allez, salut !

Je... je peux encore réfléchir ? Bon sang, c'est tellement douloureux. Qu'est-ce qui m'est arrivé ? Oh oui, Viladra... je ne sais pas, j'étais pourtant persuadé qu'elle était la cause de ce spectre, elle vient de le prouver après tout en m'attaquant.

J'espère rejoindre le paradis et rejoindre ma femme. Elizabeth, m'attends-tu ? Regarde-moi, je suis à terre, la gorge ouverte et je ne vois plus rien. Le noir total m'entoure et mes blessures me tiraillent de trop. Je dois être ridicule. J'espère que tu m'aimes toujours.

Cependant, je ne comprend pas. Pourquoi aurait-elle créé un simili de toi, serait-ce une forme de torture ? Pourtant elle n'a fait qu'une bouchée de moi, elle n'avait pas à utiliser une quelconque ruse... un simple coup derrière la tête suffisait. Oh, pourquoi réfléchis-je encore ? Je ne sens déjà plus mon cœur battre et j'ai froid. C'est ce qu'on ressent lorsqu'on meurt, je l'ai lu dans beaucoup de livres.

Elizabeth, lorsque nous serons là-haut, me promets-tu de ne pas m'en vouloir pour avoir tenté de frapper celle qui te ressemblait ? Tu es unique, tu es la seule, première et dernière femme que j'aimerai. Laisse-moi quelques minutes, j'arrive.


"Hmhf..." arrivait-il simplement à expirer de ses cordes vocales fragilisées, alors qu'un flot de sang s'écoulait de sa gorge à cette prononciation. Il n'y arrivait pas, mais tentait de remercier Viladra qui en effet, lui avait offert un chemin vers sa femme.