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Lost Kingdom  :: Ellgard :: La Capitale - Keivere, citée des Sciences

Every breath you take, every move you make – X-99.B

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Every breath you take,
every move you make
X-99.B & Lois E. Von Hohenbach
Et dans l’air froid qui enveloppait délicatement la cité de Keivere, Lois ajusta sa très large capuche noire pour s’assurer qu’elle camouflait bien son visage. Elle ne souhaitait pas particulièrement se cacher, non. Mais elle préférait passer inaperçue. Errant dans les ruelles sombres de la capitale de l’empire d’Ellgard, elle avait du temps. Oui, Lois avait toujours du temps - pas infini, mais presque. Elle n’était jamais pressée, elle n’était jamais rapide. Elle n’était jamais précipitée, elle n’était jamais sous pression. Et peu importait l’importance de sa visite, Lois était fidèle à elle-même. Noble, simple, grande.
Et ce jour-là, dans la ville industrielle, elle avait une mission importante. Des nombreuses responsabilités que Lois avait accumulées au cours de sa très longue vie et depuis son arrivée au Conseil des Sages il y avait bien longtemps, les missions diplomatiques à l’extérieur de Nueva étaient celles qui la rendaient le plus indécise. Elle n’arrivait pas à déterminer si elle aimait être envoyée aux quatre coins du monde pour servir les intérêts de Nueva, ou si elle détestait ça. Rencontrer des diplomates ignorants, si jeunes, si inexpérimentés… S’exposer au reste du monde, risquer les interminables questions, ou pire. Mais d'un autre côté, il y avait tellement à voir et à découvrir, les occasions étaient trop belles pour quelqu'un comme elle.
Elle se savait privilégiée de part sa race, mais elle savait aussi qu’elle faisait partie, de plus ou moins loin, de cette catégorie de gens qui ne sont que méprisés par l’empire. Malgré une réputation de sa nature plutôt digne et précieuse, Lois avançait prudemment et discrètement. Aucun signe, aucun vêtement, aucun bijou n’aurait pu trahir sa position, sa race ou ses charges. La mission était délicate, voilà pourquoi c’était elle qu’on envoyait. Parce qu’après tant d’années de vie et de travail au service de Nueva, il y avait peu de chance pour qu’elle envenime des relations commerciales déjà fragiles.

Si Lois n'appréciait ni la politique, ni les idéaux de l’empire, elle était forcée de reconnaître que leurs avancées technologiques étaient incroyables. Même elle, pourtant si érudite, n’aurait pu savoir faire la différence entre un humain et un androïde. Les détails comptaient, mais pour elle, tout était très nouveau. Qu’était-ce qu’une quarantaine d’années quand on en avait déjà plus de cinq cents au compteur ?
La vapeur légère qui s’échappait de sa bouche à chaque fois qu’elle expirait retint son attention quelques minutes. Elle appréciait de voir son souffle se matérialiser sous ses yeux, ce n’était pas de la magie mais c’était presque aussi joli. Ces petites choses du quotidien, inoffensives et banales, qui ravissait son âme jour après jour. Lois leva la tête pour tenter de voir le ciel, mais à travers le voile noir qui coulait devant son visage et la capuche qui lui tombait jusque devant les yeux, la tâche était ardue.
Alors, scrutant les bâtiments et l’air au dessus d’elle, Lois se perdit dans ses pensées. Elle continuait de déambuler dans les rues, sans destination ni objectif, simplement pour s’imprégner de la ville. Et l’ombre rejoignit les ombres, comme à son habitude, marchant lentement et sans les précautions habituelles. L’endroit n’était pas calme, ni lumineux, ni intéressant. Mais Lois profitait de chaque instant, de chaque détail que ses yeux bleus et sombres pouvaient capter, comme si c’était la première et la dernière fois qu’elle venait ici.
Fatalement, quand une femme aussi maladroite que Lois commençait à ne pas faire attention à où elle mettait les pieds, et vers où elle allait, le pire était à prévoir. Et il ne se fit pas prier pour arriver. Trébuchant contre les pavés mouillés par la pluie récente, elle se sentit tomber dans une chute désespérément ridicule et gauche, les yeux écarquillés accompagnée par une exclamation de surprise et d’un petit cri qui s’échappa de sa gorge serrée. Le sol se rapprocha comme au ralenti, et Lois ferma les yeux, sachant pertinemment qu’elle ne pourrait pas se rattraper.
#iwhae
À peine l’aurore s’installe
Qu’un chat, de toute sa longueur,
Vient s’extirper de sa langueur
Et s’étend, s’étire et s’étale.

C’est à l’instant de son réveil
Qu’il ouvre un œil et puis roucoule
– Et déjà le voici qui roule
Dans une flaque de soleil.


C'était une mission comme une autre. C'était une matinée qui peinait à se montrer.

Il n'y avait pas de soleil. Pas de chat. Pas cette fois-là.

Alors, la jeune femme, encore adolescente d'apparence, vêtue dans une tenue trop légère pour la température environnante, flannait. De sa robe, blanche aux teintes azurées, ses bras étaient nus, et elle ne tremblait pas. Mimique humaine, elle serra autour d'elle néanmoins un châle pâle lui aussi, qui ne devait pas réchauffer non plus la jeune demoiselle. Une rue après l'autre, dans les profondeurs de la ville, sans se soucier d'où elle allait, vraiment.

Elle connaissait sa mission. Elle avait trouvé son travail miteux, proche des gens. Dans un espèce de bar miteux des bas fonds de la ville, où les clients principaux étaient des chats errants, sans maître. Souvent, elle se plaisait à son propre étonnement, à les regarder, les observer miauler, ou lui offrir leur ventre prometteur. Souvent, elle avançait sa main, et d'une douceur pour laquelle elle n'avait pas été conçue, elle ébouriffait leurs poils, amoureuse. De cette liberté. De ce côté duveteux. Et alors, le chat repartait, glissait sous sa main, lors que la lumière déserte. Mais elle ne déplorait pas sa perte, puisqu'elle reviendrait le lendemain.

Sauf là.

Ce n'était que son deuxième hiver après tout. Entre les données, les connaissances, et les envies, le réel, il y avait souvent un monde. Et c'était ce monde que, même dans une mission où il fallait s'infiltrer dans un milieu pour le détruire, elle se perdait avec plaisir. Puis vint le détour d'une rue plus haute, aux pavés irréguliers.

Un spectacle touchant, et déroutant. Une femme, vraissemblablement, grande et encapuchonnée, marchait en regardant ses mains. X-99.B ne comprenait pas son manège, mais admirait, au départ, la façon dont elle se mouvait. Ses pieds, enchassées dans des chausses à talons semblaient esquiver par pure magie les pavés traitres. Et elle se rapprochait, continuait sa route, fascinée par autre chose que son chemin. Mais la magie finit par s'en aller, au plus mauvais moment. L'Androïde avait vu ce pavé particulier, plus haut, mal engoncé à sa place. Et la chute ne tarda pas à arriver. Par chance, cependant, la grande organique chutait à un endroit bien-heureux. Sur l'Androïde.

Elle aurait pu s'écarter, pour espérer ne pas se faire remarquer, pas dans sa situation. Mais même si sa première Loi avait été modifiée par l'Empire, par l'Armée lors de sa création, elle n'en restait pas moins une androïde. Alors, elle la récupéra. Instinctivement, et d'un pas rapide en avant, la synthétique leva ses bras solides pour rattraper la maladroite. Sûrement, cette dernière allait comprendre. Il était assez inconcevable qu'une jeune adolescente d'apparence humaine, d'à peine un mètre cinquante deux, puisse retenir une telle personne dans sa chute, sans même un frémissement, sans même un souffle d'effort.

- V... Vous allez bien ? demanda-t-elle tout en la maintenant.

Si la voix avait eu une hésitation, c'était simplement, par l'inquiétude de voir sa mission avorter pour une si simple raison. L'androïde observait l'état de celle qui avait failli se faire mal, d'un regard bleuté, neutre, critique. Trop petite, elle n'avait bien évidemment pas pu retenir complètement la grande femme qui la dominait de plus de quarante centimètres. Son vêtement devait être sale, humide.

- Vous-êtes vous fait mal ? V... Votre tenue est toute tâchée...

La voix, entre mélodies et harmonies possédait une véritable inquiétude pour son vis à vis.
Every breath you take,
every move you make
X-99.B & Lois E. Von Hohenbach
Mais la collision avec le sol n’arriva jamais. Lois garda ses paupières fermées quelques instants avant de comprendre ce qu’il s’était passé. Elle n’était donc jamais arrivée jusqu’aux pavés humides.
Surprise, elle ouvrit grand les yeux avec un air hagard en tentant de retrouver ses repères. Lois jeta des coups d’oeil perdus autour d’elle, avant de s’apercevoir que la responsable de son sauvetage se trouvait plutôt en dessous. La toute petite adolescente aux cheveux bleus l’aida à se relever avec une facilité déconcertante.

Une fois remise sur ses traitres pieds, difficilement, elle observa plus attentivement sa sauveuse. Le choc avait été dur, étrange. Les bras dénudés et la robe si légère, elle ne frissonnait même pas alors que Lois peinait à résister au froid. Pas une seule respiration visible dans l’air glacé, pas une once d’humanité dans ses yeux bleus, pas un défaut sur sa peau.
Alors qu’elle lui demanda d’une voix claire et douce, mais terriblement hésitante, si elle allait bien, Lois ne répondit pas. A la place, elle se contenta d’abaisser sa capuche et de relever le voile noir qui lui cachait le visage, ignorant la remarque sur ses vêtements salis. Et de son regard sombre comme une nuit sans lune, elle la scruta si profondément, sans rien dire. Elle s’approcha, très doucement, du visage de la jeune fille. Et elle ne s’arrêta que juste avant que leurs nez ne puisse se toucher, alors qu’elle était presque pliée en deux pour se mettre à sa hauteur et que son diadème semblait être sur le point de céder à sa crinière rousse qui coulait maintenant librement sur sa poitrine.
Lois ne prêtait jamais aucune attention à son environnement quand elle était concentrée sur quelque chose. Malheureusement pour l’adolescente, ce quelque chose c’était elle maintenant.
Qu’importait son manteau tâché, qu’importait sa mission, elle avait quelque chose de beaucoup plus intéressant et précieux sous la main.

“Tu es… différente.” dit-elle avec un air très concentré, comme si elle avait fait une découverte extraordinaire. “N’est-ce pas ?”

Lois remonta sa main pâle et grisâtre des pans de son épais manteau, et laissa la lumière du jour l’embrasser. Très doucement, comme on essaye de caresser un animal sauvage, elle posa ses fins doigts contre sa joue. Et délicatement, elle se laissa glisser vers son cou, sa nuque, pour enfin trouver les pointes bleues à la sensation si artificielle. Elle continua de l’observer sous toutes les coutures, bien décidée à en savoir plus.
La solitude et la timidité de Lois l’avaient bien longtemps gardée à l’écart des contacts intimes avec les autres êtres vivants, mais il n’y avait pas de doute. Ce n’était pas un toucher assez doux, assez chaud pour être vivant. Il n’y avait pas ni de palpitation d’un coeur précipité par la surprise ou l’effort, ni de respiration saccadée, il n’y avait rien que du calme.
Et une si petite fille n’aurait pas pu la rattraper si rapidement sans un peu d’aide.
#iwhae
Elle l'avait retenue, peu s'en fallut. En dessous de la grande femme, elle soutenait sans soucis son poids, attendant une réaction, ou au moins, qu'elle se redresse. Non que la situation la fatiguait -il en fallait bien plus que cela-, mais que celle-ci était sûrement bien étrange. Attirer l'attention était rarement dans ses envies, ou objectifs. Cependant, étrangement, cela prit un certain temps. Elle sentit la dame bouge, avant de la remarquer. X-99.B pinça des lèvres. Petite, ce n'était certes pas une raison de ne pas l'avoir, que la dame dépasse les deux mètres ou non !

L'une et l'autre se faisaient alors face. L'une dépassant l'autre de bien trop, selon l'autre. Mais, à sa question pleine d’inquiétude, il n'y eu pas de réponse, qu'une observation intense. Et le vêtement la gênant, la femme en enleva même sa capuche et un voile -quel intérêt ?- pour la scruter d'autant plus.
Elle était sur une mission, mélangeant enquête et douce traque, cependant la situation actuelle n'entravaient pas ses premiers ordres. Et elle ne pouvait pas décemment quitter cette femme à l'aspect si singulier. De son année et plus, à parcourir les rues de Keivere, enchaînant les missions avec comme seul temps de pause, les révisions ou réparations, X-99.B n'avait jamais vu un tel corps. Elancé, d'une pâleur terrible, semblant pouvoir se casser d'un claquement de doigt. Ou du moins d'un des siens.
Alors que son noyau processait les informations, tout en jaugeant la nécessité de couper court ou non à cette approche non conventionnelle, la femme aux cheveux roux libérés, délivrés de leur carcan de tissu, se pencha vers elle. Trop près.

Le spectacle devait être intrigant, attirant quelques badauds qui observaient alors la scène, curieux. Une jeune femme d'une robe trop légère, debout, le nez levé vers une grande dame, pliée en deux au dessus d'elle.

Mais si l'observation en la dérangeait pas, la remarque de l'inconnue, elle, attira l'attention d'X-99.B. "Différente", et non pas organique. Différente, et non androïde. Et cette fascination presque scientifique dans son regard signifiait sûrement que la Dame Rousse  n'était pas d'ici. Pas Ellgardienne en tous cas. L'enchantement qui se lisait dans ses yeux sombres excluait aussi toute possibilité venant du pays ennemi, Mearian.

La jeune demoiselle se détendit, laissant à cette géante frêle assouvir un bout de sa curiosité, nullement dérangée par cette main étrange.

- Pour leurrer le monde, ressemble au monde ; ressemble à l'innocente fleur... souria la jeune femme.

Et elle leva à son tour la main pour s'emparer avec douceur de celle de la curieuse.

- Je suis différente... Oui. Tout comme je n'ai jamais vu une personne telle que vous. Voudrez-vous bien venir ? Je connais un endroit, où passer du temps, au moins dans un meilleur cadre qu'une rue aux... pavés traîtres ?

Elle l'était, elle n'avait pas à le cacher. Mais pour autant, attirer l'attention plus que nécessaire ne l'arrangeait tout de même pas. Le point qu'elle avait *vraiment* à dissimuler était son appartenance à l'Escadron de Mort. Chevalier, qui plus était. Mais ce point là, il était un peu plus compliqué de le voir. Néanmoins, gardant cette main au creux de la sienne, la serrant avec douceur, elle commença à se tourner vers une des rues pour s'y diriger.

- Puis-je vous demander qui vous êtes, et si j'ai pu éviter à vos genoux de rencontrer le sol trop brusquement ? demanda-t-elle alors d'une voix claire, toujours aussi mélodieuse.

Et encore une fois, ni le froid ni le temps ne semblait la déranger. Elle regardait régulièrement en coin celle qu'elle accompagnait jusqu'au café miteux qu'elle côtoyait avec plaisir, pour vérifier que tout se passait bien.